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Le livre du cercle

Le livre du cercle

Titel: Le livre du cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robyn Young
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même plus d’endroit
où travailler, sans parler d’un foyer. Au début, quand j’ai ouvert, c’était la
maison la plus populaire du quartier, mais il y a de plus en plus de nouvelles
maisons qui ouvrent, et elles commencent à me prendre ma clientèle.
    Avec
un profond soupir, Adela posa les bouteilles sur la table, près du pilon et du
mortier.
    Elle
pensait à son père, à sa déception s’il avait vu ce qu’elle avait fait de cet
endroit. Quand il la dirigeait, la pension était bien tenue. La plupart de ses
clients étaient des prêtres ou des élèves en visite à la Sorbonne ou
fréquentant les collèges mais, quand elle avait repris l’affaire, le nombre de
clients avait rapidement chuté. Sans doute, pensait-elle, parce que les prêtres
et les élèves trouvaient inconvenant de dormir dans une pension tenue par une
femme. Après quelque temps, elle n’avait plus été capable de payer les impôts
aux prévôts, et elle n’avait plus que deux solutions : vendre ou changer
d’activité. Ne voulant pas se séparer de la maison de son enfance, la deuxième
option s’était imposée d’elle-même. Et comme elle ne connaissait aucun autre
métier et qu’elle n’avait pas le temps d’en apprendre un, à seize ans elle
avait décidé de vendre la seule marchandise qu’elle possédait.
    — Je
n’ai pas le choix, il faut que je vende des remèdes. Si je pouvais choisir, je
préférerais continuer à vendre des remèdes et arrêter le reste.
    — Le
reste ? Tu parles de moi ?
    — Non,
répondit-elle d’une voix douce en lui caressant la joue. Tous les autres, mais
pas toi.
    Elle
s’assit sur le banc et Garin chercha son maillot au milieu d’une pile de
vêtements froissés sur le matelas. En le récupérant, il fit glisser la petite
bourse en velours posée dessus. Elle tomba au sol avec un bruit de pièces
s’entrechoquant. Garin l’attrapa par la cordelette et la ramassa. Son niveau
baissait de manière inquiétante. Au début, il ne dépensait pas un sou de
l’argent que lui avait donné le prince Édouard. Mais, aujourd’hui, sa fortune
était presque intégralement dilapidée. L’une après l’autre, les pièces lui
avaient permis d’entrer dans la chambre d’Adela. Il regarda la jeune femme
écraser des graines de pavot dans le mortier, et son estomac se noua une fois
de plus en effleurant des yeux sa peau blanche et duveteuse, la cambrure de ses
reins, la courbe de ses hanches et le creux de ses cuisses. Ses seins pressés
contre le bord de la table quand elle se penchait en avant pour s’emparer du
pilon. La pierre frottant contre la pierre tandis qu’elle pulvérisait la
mixture. Elle avait l’air si studieuse, si absorbée par sa tâche. Garin se
rendit compte qu’elle prenait un plaisir évident à ce qu’elle faisait. Quand
elle était au lit avec lui, ou avec des clients dans la pièce en bas, elle
avait pourtant l’air heureuse, mais en la voyant manipuler son pilon, il
comprit qu’elle faisait semblant, qu’elle jouait un rôle. Il sourit
intérieurement en se disant qu’il était le seul à qui elle montrait cette
facette d’elle-même. Puis il se demanda si c’était à ça que ressemblait la vie
des couples mariés. Son père avait-il jamais observé sa mère de cette manière,
tandis qu’elle était occupée à tel ou tel ouvrage, heureux simplement de la
regarder ? Il n’en savait rien, mais pendant un instant il imagina un avenir où
deux personnes pourraient s’asseoir et se sentir bien, sans avoir besoin de
parler.
    Adela
se leva pour prendre une autre bouteille sur l’étagère. Garin jeta son maillot
et la bourse par terre et se mit en travers de son chemin.
    — Garin...
s’impatienta Adela tandis qu’il la faisait pivoter.
    Elle
tenait dans sa main des fleurs de lavande à l’odeur entêtante.
    — Je
n’y peux rien si je te désire, fit Garin en se penchant pour l’embrasser dans
le cou avec voracité. Ce n’est pas ma faute.
    — Arrête,
dit-elle.
    — Non,
lui glissa-t-il à l’oreille en souriant.
    Soudain,
la porte s’ouvrit avec fracas.
    Garin
se retourna, nu comme un vers, et tressaillit en voyant l’homme qui se tenait
dans l’entrée de la chambre.
    Rook
s’avança, observant la scène d’un air moqueur.
    — Ainsi,
voilà à quoi les chevaliers passent leurs journées ? Moi qui me demandais
comment il était possible que les Sarrasins tiennent encore Jérusalem.
    Garin
marcha vers lui et le poussa vers la porte.
    —

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