Le livre du cercle
des sergents s’étaient rendus à la chapelle pour
discuter des nouvelles en provenance de Safed. Ils avaient passé tout le début
d’après-midi à se lamenter et à déplorer la chute de la citadelle. Bientôt, le
silence serait rompu par l’appel aux armes.
Will
ne se retourna pas quand la porte s’ouvrit. Il entendit quelqu’un s’approcher
de lui. Il finit par jeter un coup d’œil par-dessus son épaule : Everard
l’observait sans dire un mot. La bulle dans laquelle il s’était enfermé éclata
et il détourna les yeux.
— Je
t’ai cherché partout, sergent.
Will
ne répondit pas.
— Tu
comptais te cacher ici longtemps ?
— Je
dois finir ma lettre.
Everard
fronça les sourcils. Ses yeux tombèrent sur le parchemin.
— C’est
de ça que tu parles ? demanda-t-il.
Il
prit la lettre et la parcourut rapidement.
— Ça
peut attendre, dit-il en la reposant. Nous devons discuter de certaines choses.
— Il
faut que j’écrive à ma mère. Mieux vaut que je lui annonce moi-même que son
mari, le père de ses enfants, est mort.
— Le
Temple s’occupera de ta mère et de tes sœurs, répliqua Everard d’un ton
brusque. Elles ne manqueront de rien, je te le promets.
Il
soupira en voyant le mutisme de Will.
— Je
comprends que tu sois bouleversé.
— Vous
comprenez ? fit Will en se retournant. Vous comprenez ? Alors peut-être que
vous pouvez m’expliquer, que vous pouvez expliquer à ma mère. Peut-être que
vous devriez lui écrire pour lui expliquer pourquoi il est mort. C’est vous qui
l’avez envoyé là-bas, après tout.
— Ton
accusation est injuste, répondit Everard. James n’est pas mort en servant
l’Anima Templi, mais le Temple. Il est mort en faisant quelque chose qu’il
n’avait pas choisi.
Le
visage d’Everard s’adoucit.
— Ton
père est parti pour la Terre sainte de son plein gré. Il voulait y aller parce
qu’il avait la foi, parce qu’il pensait pouvoir changer les choses. Il voulait
un monde différent pour ses enfants. Pour toi, William. C’est ce qu’il m’a dit.
Will
scrutait les yeux du prêtre en gardant le silence.
— Il
faut que je sache ce qui s’est passé à la commanderie des Hospitaliers, lui
demanda Everard.
—
Nicolas est parti à La Rochelle avec trois chevaliers, finit par répondre Will.
Un garçon d’écurie m’a dit qu’ils parlaient d’Acre et du grand maître.
— Acre
? répéta Everard, visiblement inquiet. Donc, c’est Hugues de Revel qui est derrière
tout ça ?
— Revel
? fit Will sans s’intéresser vraiment à ce que disait le prêtre.
— Le
grand maître des Hospitaliers. Je ne l’ai jamais rencontré, mais j’ai connu son
prédécesseur, Guillaume de Châteauneuf - celui qui dirigeait l’Ordre quand
Armand a assiégé leur forteresse.
Everard
se gratta le menton.
— Je
suppose que Nicolas lui apporte le livre. Si le grand maître croit qu’il
constitue une preuve de l’existence de l’Anima Templi et, comme le suppose à
tort Nicolas, de notre corruption, il va sans doute impliquer le pape à Rome.
Il
inspira avec difficulté.
— Nous
ne pouvons les laisser quitter la France avec le livre. Nous partons dès l’aube
pour La Rochelle.
Will
leva les yeux vers lui.
— Nous
?
— Je
ne peux pas faire ça tout seul.
— Et
je ne peux pas faire ça du tout, rétorqua Will en sautant sur ses jambes pour
faire face au prêtre. Même si j’en avais la force, je ne pourrais pas. Je suis
un simple sergent. Je n’ai aucune autorité sur un chevalier, qu’il soit
Templier, Hospitalier, Teutonique ou même qu’il appartienne à l’armée du roi !
— Il
va y avoir du changement, dit Everard au bout d’un moment. J’ai parlé au
visiteur et il a accepté que tu prennes le manteau.
— Quoi?
— Il
a jugé que c’était le mieux. Nous perdons le père, nous gagnons le fils. C’est
le signe que nous ne baisserons pas la garde, que nous ne nous laisserons pas
intimider par notre ennemi. Le visiteur veut que ce soit fait rapidement, avant
le conseil qu’il a convoqué pour décider des prochains événements. J’ai bien
peur que ton initiation n’ait lieu dans un climat de guerre, mais nous ne
pouvons rien y faire.
— C’est
une plaisanterie ? Vous avez choisi le pire jour possible !
Everard
prit une expression conciliante.
— La
douleur est l’une des émotions les plus pures dont nous soyons coupables. En
expérimentant un chagrin authentique, tout le...
Il
fit un grand geste de
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