Le livre du cercle
vêtements qu’il avait
l’habitude de voir en Occident - robes étincelantes richement brodées pour les
femmes, chausses serrées et surcots de brocart pour les hommes -, mais les
étoffes en étaient extraordinairement luxueuses. Pas de pèlerine en laine ni de
sabots en bois, uniquement de la soie, du damas, le lin le plus doux et du
samit. Les enfants eux-mêmes ressemblaient à des rois et à des reines parés
pour un couronnement.
Will
était incapable de détacher les yeux de cette foule, car plus il les observait,
plus il était étonné. D’emblée, il avait pensé qu’ils étaient tous étrangers,
en raison de leurs visages bronzés, des coupes étranges de leurs habits, des
turbans qu’ils portaient sur la tête et de leurs accents bizarres. Mais il
s’apercevait maintenant que certains d’entre eux parlaient latin, d’autres
anglais ou français. C’étaient des Occidentaux. Pourtant, ils se mélangeaient
librement, discutaient et riaient avec de grands hommes graciles au teint
d’ébène, qui dévoilaient en souriant des dents d’une incroyable blancheur, et
avec d’autres à la peau olivâtre, qui avaient des yeux en amande et des visages
arrondis, ou encore avec des hommes qui ressemblaient à Hasan.
—
Des Sarrasins ! siffla un chevalier entre ses dents.
Quelques-uns
portèrent la main à leur épée en cherchant des yeux le capitaine, mais celui-ci
se glissait dans la foule sans se préoccuper d’eux. Will aperçut Everard
boitiller un petit peu plus loin derrière lui. Le prêtre souriait.
Les
chevaliers suivirent leur capitaine dans la confusion, ils dépassèrent les
étals où des Vénitiens aux yeux noirs troquaient avec des commerçants musulmans
du bois et de l’acier tandis que des Bédouins coiffés de keffiehs négociaient
des barils de lait de jument pour quelques poignées de besants. Des charrettes
remplies d’énormes piles de citrons et de dattes côtoyaient des étals chargés
de rubis, de teinture, de soie, de porcelaine et de soupe. Un Juif portant des
lunettes riait avec un marchand grec pesant une montagne de saphirs sur une
balance. Fumier, sueur, épices et parfums divers imprégnaient l’atmosphère. La
foule se bousculait de tous côtés et les exclamations retentissaient dans une
si grande variété de langues que le latin devenait indiscernable de l’hébreu,
le français de l’arabe. Même quand les chevaliers eurent quitté le marché pour
emprunter les rues étroites et venteuses menant à la commanderie, les mêmes
impressions se succédèrent à chaque coin de rue. Les vitres des fenêtres
circulaires d’une église leur renvoyèrent le reflet éblouissant du soleil de
l’après-midi. Alanguies dans les allées, des femmes portant des robes presque
transparentes leur faisaient signe quand ils passaient. Des vieillards étaient
assis sur le seuil des maisons, enveloppés dans un nuage de fumée d’encens,
tandis que d’autres, autour d’une table, jouaient aux échecs sur des jeux en
ivoire et en verre égyptien.
Jusqu’à
ce qu’ils arrivent à la commanderie, toutes ces sensations nouvelles pour eux
avaient si bien submergé les chevaliers qu’ils remarquèrent à peine les quatre
lions d’or montant la garde en haut des tourelles qui enjambaient les portes
massives du Temple. Les chevaliers en faction les saluèrent et les firent
entrer par une petite porte pratiquée à l’intérieur des énormes vantaux. Ils
débouchèrent sur une cour formant un quart de cercle, bordée de grands
bâtiments en pierre. À l’intérieur, le regard de Will se posa sur les hommes qui
se trouvaient là. Il cherchait à savoir lesquels étaient des chevaliers, mais
aucun n’avait les cheveux blonds.
Robert
posa la main sur l’épaule de Will.
— L’un
des officiers m’a demandé de dresser la liste de nos noms pour l’intendant. Je
viendrai te trouver quand j’aurai fini.
Robert
fut conduit vers un haut bâtiment sur le toit duquel flottait la bannière du
Temple. Derrière Will, les hommes qui avaient fait le voyage sur les autres
navires exprimaient la même expression de stupéfaction. Alors que des clercs
surgissaient du bâtiment où Robert était entré pour regrouper les arrivants qui
ne cessaient d’affluer, Simon vint à ses côtés.
— Mon
père ne me croira jamais. D’ailleurs, je ne suis pas certain d’y croire
moi-même. Était-ce vraiment des Sarrasins que nous avons vus au marché ?
Avant
que Will n’ait eu le temps de
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