Le livre du cercle
contrôlent
presque entièrement à l’heure actuelle. Tu es au courant que Safed est aux
mains des Sarrasins ?
— Oui.
Mon père y est mort.
— Je
suis navré. Mais je te déconseille d’aller voir, sa tombe, car tu pourrais
aussi bien y trouver la tienne. L’année dernière, les barons d’Acre ont envoyé
Aes émissaires pour traiter avec le sultan. En arrivant, ils ont découvert que
la forteresse était entourée des têtes des chrétiens assassinés.
Will
imagina le corps de son père, pilier de sa force et de sa dignité, souillé et
pourrissant sans même être enterré. Il voulait rassembler sa dépouille et lui
offrir une sépulture dans un endroit paisible. Penser que l’âme de son père se
dispersait au gré des vents sur cette plaine étrangère l’angoissa. Ce n’était pas
l’Ecosse. Ce n’était pas chez lui
— Je
te laisse, dit avec douceur le chevalier.
— Connaissez-vous
un chevalier du nom de Garin de Lyons ?
Le
chevalier aux cheveux blancs secoua lentement la tête.
— Je
ne pense pas.
— Il
a dû arriver l’année dernière. Il a mon âge.
Will
décrivit Garin. Le chevalier écarta les bras en signe d’impuissance.
— Ils
sont nombreux à passer ici.
— Il
était peut-être seul. Il est possible qu’il ne soit pas venu à bord d’un bateau
du Temple.
— Seul
? Un jeune homme est arrivé seul juste avant Noël. Lyons ? fit le chevalier
avec un grognement d’excuse. Il s’appelait peut-être comme ça, je ne pourrais
pas le certifier. Il est venu par la terre, depuis Tyr. Le port était fermé,
donc quel que soit le bateau avec lequel il est arrivé, il a dû être renvoyé
ailleurs. Les États marchands étaient en guerre à ce moment-là.
— Il
n’est plus ici ?
— Si
ma mémoire ne me fait pas défaut, il a été envoyé avec une compagnie de
chevaliers à Jaffa.
— Jaffa?
— Une
ville sur la côte, près de Jérusalem, à environ une vingtaine de lieues d’ici,
expliqua le chevalier en désignant les montagnes au sud. Nous avons une
garnison là-bas.
— Merci.
Abandonnant
le chevalier à son coucher de soleil, Will retourna vers la cour de l’entrée et
se retrouva aux portes du Temple. Il était sur le point de se diriger vers ses
quartiers quand il entendit quelqu’un crier son nom. Simon courait dans sa
direction:
— Je
l’ai cherché partout ! lança le palefrenier en pantelant\ Il faut que tu
trouves Everard.
— Pourquoi?
— Nous
avons reçu notre affectation, dit Simon d’une voix angoissée. Tous les deux.
— Notre
affectation ? Mais nous ne sommes pas ici pour...
— Un
chevalier est venu dans notre dortoir avec une liste, l’interrompit Simon. Nous
étions à peine installés. Il m’a dit que j’étais affecté à une compagnie.
Robert et toi en faites également partie, d’après ce qu’il m’a dit.
— Et
où sommes-nous affectés ?
— Une
ville qui s’appelle Antioche, dit Simon au désespoir.
Chapitre 37
Le Temple, Antioche
1 er mai
1268 après J.-C.
La
cité d’Antioche, même si son rôle dans le négoce était moins important que par
le passé, était toujours considérée comme l’une des merveilles du monde. Les
gens qui la voyaient pour la première fois restaient confondus par son étendue,
incapables de croire qu’elle avait été construite par l’homme et non par Dieu.
Les murailles qui la protégeaient, érigées par l’empereur romain Justinien,
couraient sur environ cent quarante arpents 1 et étaient hérissées de
quatre cent cinquante tours. D’un côté, elles longeaient l’Oronte, rivière que
les Arabes appelaient la Rebelle, et, de l’autre, elles grimpaient les pentes
abruptes du mont Silpios, en haut duquel culminait, trois cents mètres
au-dessus de la ville, une citadelle. À l’intérieur de cette enceinte
majestueuse, la ville était tout aussi impressionnante. S’y trouvaient des
marchés, de luxuriantes plantations, d’innombrables églises et monastères,
ainsi que des villas et des palais dont les cours en carreaux de faïence
abritaient des palmiers et des arcades romaines tombant en ruine. D’après les
chrétiens indigènes, qui formaient l’essentiel de sa population, c’était une
ville à nulle autre pareille.
Debout
sur les remparts de la commanderie du Temple, Will avait une vue dégagée sur la
vallée, où la rivière se faufilait entre des crevasses calcaires avant de
s’écouler dans une plaine fertile. Au nord se dressaient les monts
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