Le livre du cercle
répondre, Everard s’approcha d’eux.
— William,
je veux que tu découvres si Nicolas de Navarre est logé à la citadelle des
Hospitaliers qui se trouve en ville.
La
voix d’Everard était plus rauque que jamais. Sa toux persistante, qui avait
empiré après la mort de Hasan, avait encore été aggravée par le long périple.
Certains jours, il devait faire des efforts pour se faire comprendre.
— Maintenant?
Même
Will, qui savait pourtant à quel point le prêtre était obsédé par ce moment
depuis qu’ils avaient quitté La Rochelle, fut déconcerté par la résolution dont
il faisait preuve.
Everard
jeta un coup d’œil par-dessus son épaule, un clerc approchait.
— Je
dois voir des gens. Je compte sur toi, William.
— Par
ici, frères, dit le clerc en passant la main dans le dos du prêtre.
— Je
connais le chemin, fit Everard en jetant un regard noir au clerc et en passant
devant lui.
— Qu’est-ce
que tu feras quand tu auras trouvé Nicolas ? murmura Simon quand ils entrèrent dans
le rang.
Will
secoua la tête, absorbé qu’il était à contempler l’imposante masse des remparts
criblés de fentes étroites. On y avait hissé des mangonneaux et des trébuchets,
et des chevaliers en arme patrouillaient sur le chemin de ronde. Cette
commanderie n’avait rien à voir avec celles de Londres, de Paris ou de La
Rochelle. Il comprit soudain pourquoi. Ce n’était pas une commanderie, mais une
forteresse.
— Je
ne sais pas, répondit-il finalement tandis qu’ils dépassaient une armurerie où
des hommes, assis sur des bancs, affûtaient des épées.
Par-dessus
son épaule, Simon jeta des regards inquiets à Will lorsqu’on l’emmena avec les
sergents vers un ensemble de bâtiments derrière la cour. Will, avec les autres
chevaliers, longea les écuries, les ateliers, une église si magnifique qu’elle
aurait fait passer la Sainte-Chapelle de Paris pour une grange, et une sorte de
palais dont les clercs expliquèrent qu’il abritait les quartiers du grand
maître. Ils finirent par atteindre leurs propres quartiers, autour d’une cour
pourvue en son centre d’une citerne. On montra à Will la chambre qu’il
partagerait avec sept autres chevaliers. Des paillasses confortables étaient
alignées le long des murs et chacun disposait d’un coffre en bois pour ranger
ses affaires. Il y avait une patère pour les manteaux et des supports pour les
épées. Les couvertures posées sur les paillasses étaient en laine d’agneau et
les oreillers placés en tête de lit n’étaient pas faits de toile et de paille,
mais de lin et de plume. Le sol pavé était propre et recouvert d’une natte
tressée. Après des mois à bord du Faucon, la chambre ressemblait à un palais.
Mais au lieu de saisir l’opportunité de se détendre dans cet environnement
princier, Will posa son sac sur sa paillasse et ressortit.
Les
sergents et les domestiques inclinaient respectueusement la tête sur son
passage, cependant que, plus âgés que lui, avec leurs visages tannés et leurs
yeux durs, les chevaliers l’ignoraient. Will pensa qu’ils connaissaient
certainement Garin si celui-ci avait suivi Nicolas jusqu’ici, mais quelque
chose l’empêcha de le leur demander. Maintenant que le moment était venu, il
n’avait aucune envie de voir l’homme qui l’avait trahi et déshonoré. Pas plus
qu’il n’avait envie de sortir seul dans cette ville inconnue pour y chercher
Nicolas.
Néanmoins,
il se retrouva sur les remparts à regarder la ville. La vue était saisissante.
Au-delà des fortifications d’Acre se trouvait un campement bordé d’une autre
muraille et d’une douve. Et, plus loin encore, des vergers, des jardins et des
oliveraies s’étendaient sous une brume d’or et d’ambre.
— Magnifique,
n’est-ce pas ?
Will
se retourna et vit un chevalier aux cheveux blancs qui se tenait sur les
remparts, à côté de lui.
'—
Je viens ici tous les soirs après les vêpres, ça ne manque jamais de
m’émouvoir, dit-il en souriant. Tu arrives de France, frère ?
Will
hocha la tête. Il pensa que le chevalier serait peut-être capable de répondre à
la question qu’il se posait.
— Où
est Safed, d’ici ?
Le
chevalier pointa le doigt vers l’est.
— A
environ une bonne dizaine de lieues, sur la plaine.
— Je
pourrai trouver facilement ?
La
surprise se peignit sur le visage du chevalier.
— Il
y a une route qui y mène depuis Acre, mais les hommes de Baybars la
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