Le livre du cercle
la coupe de leurs vêtements en
soie.
— Ils
prient probablement, dit-il en rejoignant Lambert pendant que les sergents
mettaient l’engin de siège en position.
Lambert
pivota pour lui faire face.
— J’ai
vu des enfants sur les murailles ce matin, ils jetaient des pierres dans la
vallée en visant nos ennemis. Ils vont finir par mourir, ou alors par se mettre
en travers de notre chemin. Quelqu’un devrait les obliger à rentrer chez eux ou
à se réfugier dans la citadelle.
— Je
suis d’accord avec toi, répondit Will, mais il n’y a déjà pas assez de soldats
sur les remparts, nous avons autre chose à faire que de maintenir l’ordre.
Il
regarda en bas, dans la vallée où l’armée mame-louke approchait à marche
soutenue. Puis il tourna son regard vers les nobles agglutinés sur la tour.
— En
plus, ça pourrait nous servir. Les Mamelouks penseront que nous sommes plus
nombreux qu’en réalité.
-—
Je pense plutôt que ça leur donnera plus de cibles à viser.
Lambert
mit ses mains en coupe devant sa bouche.
— Hé
! cria-t-il aux nobles.
Quelques-uns
d’entre eux regardèrent dans leur direction.
— Descendez
de là, bande d’idiots !
Il
jura en voyant qu’ils ignoraient son conseil et lui tournaient le dos.
— Ne
t’inquiète pas, ils partiront dès que les premières flèches commenceront à
voler, dit Robert en arrivant à côté d’eux.
— Où
est Simon ? demanda Will.
— Il
s’occupe des chevaux. Ils sont agités depuis qu’ils entendent le roulement des
tambours.
— J’imagine
très bien ce qu’ils doivent ressentir, murmura Lambert.
Ils
étaient tous dans le même cas. Le bruit, qui avait commencé comme une vague
pulsation venue des entrailles de la terre, n’avait cessé d’enfler à mesure que
les Mamelouks approchaient, et il s’était peu à peu transformé en un
déferlement de rythmes assourdissants, en un vacarme viscéralement effrayant.
L’armée mamelouke avait trente compagnies qui ne faisaient que cela, chacune
d’entre elles étant dirigée par un officier qu’on appelait le Seigneur des
Tambours. Sur les remparts, les chevaliers commençaient tout juste à discerner
ces compagnies : des petits hommes qui frappaient de petits tambours en
produisant un énorme tumulte.
— Comment
va Simon ? demanda Will à Robert.
— Ne
me le demande pas. À chaque fois que j’essaie de lui dire quelque chose pour le
réconforter, il va pisser. S’il continue, nous pourrons ouvrir les vannes et
noyer ces bâtards de Mamelouks. Mais je ne lui en veux pas.
Tous
trois regardèrent la tête de l’armée franchir la gorge montagneuse et se
répandre dans la vallée comme à la sortie d’un entonnoir. À l’avant-garde se
trouvait la puissante cavalerie - des hommes et des chevaux en armure, portant
lance et épée. Chaque régiment était distingué par une couleur de surcot
différente : bleu, jade, pourpre, violet, et, tout devant, le jaune doré des
Bahrites, dont les capes étincelaient dans la lumière matinale.
Des
compagniès d’archers à cheval garnissaient les flancs de la cavalerie, et
derrière eux avançait puissamment la masse solide de l’infanterie : des hommes
portant leurs boucliers pendus à l’épaule ; des explosifs ; des fûts remplis de
naphte inflammable. Au milieu des lignes d’infanterie, des chameaux ployant sous
les fournitures médicales, les armes, la nourriture et l’eau marchaient à la
file aux côtés des engins de siège que des compagnies s’échinaient à tirer en
haut de la vallée. D’après ce qu’un chevalier plus âgé avait dit à Will et aux
autres, les Mamelouks appelaient ces armes le Victorieux, le Niveleur et le
Taureau. En entendant cela, la compagnie de dix chevaliers et sept sergents
sous les ordres de Lambert avaient baptisé leurs deux engins - un mangonneau et
une espringale, une arme plus petite qui lançait des javelots au lieu de
pierres : le premier avait reçu le nom de l’imbattable, l’autre de Tueur de
Sultan.
—
J’imagine qu’ils vont installer le gros du camp juste en bas, dit Lambert en
pointant du doigt une bande de terre plate vers laquelle se dirigeaient les
impressionnants Bahrites, semblables à un défilé de lions avec leurs vêtements
dorés.
Will
jeta un coup d’œil alentour. Les nobles sur la tour d’en face commençaient à
quitter les lieux en empruntant la promenade qui escaladait les contours escarpés
du mont Silpios jusqu’à la citadelle. Depuis
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