Le livre du cercle
les Arméniens l’année dernière, répondit calmement
Kalawun. Je doute qu’ils aient pu rassembler une force importante.
— Ne
préjuge de rien, Kalawun. Comme nous avons laissé Tripoli indemne, le prince
Bohémond a dû se douter que nous viendrions ici. Il pourrait rassembler une
véritable armée avec les troupes qu’il reste aux quatre coins du royaume, même
si je n’ai pas l’intention de perdre assez de temps ici pour lui en laisser l’opportunité.
On
entendit de l’agitation à l’extérieur du pavillon et soudain une -petite forme
émergea de l’ombre en courant. Kalawun vint immédiatement se placer devant
Baybars, mais ce n’était que le fils du sultan. Derrière Baraka Khan,
pantelant, arriva son tuteur, un commandant en retraite du nom de Sinjar que
Kalawun avait recommandé comme un mentor approprié pour le garçon. Il avait une
grosse tache rouge sur sa tunique blanche. Baybars crut un instant qu’il était
blessé, avant de comprendre que la tache était trop pâle pour qu’il s’agisse de
sang. Baraka s’arrêta en dérapant sur le sable, le souffle court.
— Comment
se fait-il que tu ne sois pas en train d’étudier? demanda Baybars au garçon,
maintenant âgé de sept ans.
Il
regarda Sinjar d’un air interrogatif et celui-ci s’inclina en essayant de
reprendre sa respiration.
— Toutes
mes excuses, seigneur. Nous avons commencé un simple exercice d’algèbre, mais
Baraka n’arrivait pas à le résoudre et il s’est énervé. Il m’a jeté un pichet
de cordial. J’allais le punir mais il s’est enfui.
Baraka
jetait un regard furieux sur son tuteur.
— Sinjar
allait me battre, père.
— C’est
ce que tu mérites, dit Baybars en prenant sans ménagement son fils dans ses
bras. Je ne veux plus entendre dire que tu poses problème, tu m’entends ?
Baraka
fit la moue.
— Oui,
père, marmonna-t-il.
Baybars
hocha la tête.
— Laissez-le-moi,
dit-il à Sinjar.
— Oui,
seigneur.
— Si
tu refuses de suivre les cours, dit Baybars à son fils quand Sinjar fut parti,
alors peut-être que tu peux m’être utile.
Il
lança un sourire en coin à l’intention de Kalawun.
— Peut-être
pourrions-nous lui faire manœuvrer un des mandjaniks ?
Kalawun
lui sourit à son tour.
— Peut-être,
répondit-il en ébouriffant les cheveux de Baraka. Bien que je ne sois pas
certain que ce travail convienne à l’héritier du trône, et à mon futur gendre.
Le
visage de Baraka se ferma en une bouderie têtue. Baybars lui avait dit qu’il le
marierait à la fille de Kalawun quand il en aurait l’âge, dans quelques années.
Baraka
espéra qu’il la mettrait, elle, à la manœuvre d’un mandjanik. Elle aurait un
accident et finirait projetée par-dessus les remparts d’une ville. Cette idée
le fit sourire.
Kalawun
s’était incliné et il traversait déjà le camp pour rejoindre un bataillon qui
l’attendait.
— Où
va l’émir Kalawun, père ?
— Dans
les montagnes, répondit Baybars en emmenant son fils à l’intérieur du pavillon.
Depuis que Baraka avait quitté le harem et qu’il n’était plus couvé par ses
femmes, il avait commencé à trouver en lui, de manière étrange, une distraction
aux contraintes pesantes du commandement.
— Pourquoi
?
Ignorant
les eunuques, les gardes du corps et les conseillers présents dans le pavillon,
Baybars posa son fils sur un tapis et prit des figues disposées dans un plateau
en argent..
— Je
vais te montrer, dit-il à son fils en s’accroupissant et en lui donnant un des
fruits.
Puis
il disposa trois figues en triangle sur le tapis.
— Voilà
Antioche, expliqua-t-il en indiquant la figue en bas à droite du triangle.
Celle du dessus représente les Portes Syriennes, là où va Kalawun. Il va
s’assurer que les chrétiens ne puissent pas recevoir de renforts par le nord.
Puis
il montra la dernière figue, en bas à gauche.
— Ça,
c’est le port de Saint-Symeon. J’ai envoyé un bataillon s’en emparer. Comme ça,
les chrétiens ne pourront pas non plus recevoir de soutien par la côte.
— Qu’est-ce
que vous allez faire, père ?
Baybars
sourit. Il prit la figue symbolisant Antioche et la jeta dans sa bouche, ce qui
fit rire Baraka.
— Seigneur!
Le
sultan se leva quand un guerrier bahrite entra dans le pavillon.
-—
Un groupe arrive de la ville, dit-il tout en le saluant.
— Qui
est-ce ? demanda Baybars en jetant un coup d’œil à son fils, qui écrasait les
figues avec son
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