Le livre du cercle
sultan ferait construire au Caire. On dit qu’il veut la bâtir
avec toutes les pierres des citadelles franques qui restent en Palestine. Quant
à nous, nous avons fait retraite vers Acre.
«
Quelques semaines plus tard, j’étais dans une compagnie envoyée en renfort à
Beaufort. Nous avions reçu des rapports indiquant que Baybars se rendait dans
cette direction. Les Mamelouks sont arrivés au pied de nos murailles en avril.
La septième nuit, j’étais de garde quand j’ai vu un homme nager dans la douve
vers la poterne située juste en contrebas. Je suis descendu et je l’ai capturé,
je voulais découvrir dans quel but il avait été envoyé. C’était un déserteur.
Il s’était fait prendre en essayant d’abandonner son poste et on l’avait
condamné à mort. Mais il était parvenu à s’échapper et à rejoindre notre
forteresse. Il espérait qu’on le laisserait se faire passer pour un de nos
serviteurs en échange d’informations. Grâce à lui, nous avons appris que la
principale cible de cette campagne, pour Baybars, est Antioche.
Garin
fit un geste pour désigner les trois chevaliers derrière lui.
— Le
commandant de Beaufort nous a aidés à nous échapper pour vous prévenir.
Il
regarda le commandeur, signalant par là qu’il en avait terminé.
— Merci,
frère Lyons, dit le commandeur en s’avançant de nouveau au bord de l’estrade.
Votre vivacité d’esprit et vos actions intrépides ont sans nul doute grandement
amélioré nos chances de survie.
Quelques
hommes exprimèrent à voix haute leur gratitude et d’autres hochèrent la tête,
bien qu’ils fussent étourdis par la gravité des nouvelles. Robert bâilla
bruyamment et Will agrippait le banc avec une telle force que ses articulations
lui faisaient mal.
— Puis-je
vous demander, frère, lança un chevalier, si le grand maître Bérard est informé
de tout ceci ?
Le
commandeur se tourna vers Garin, qui secoua la tête.
— Nous
n’en avons pas eu le temps. Nous sommes venus directement ici.
— Alors
nous, devrions envoyer un message en Acre le plus rapidement possible.
— Ce
n’est pas la peine, il arriverait trop tard de toute façon, répondit le
commandeur. Baybars sera ici avant les éventuels renforts qui se porteraient à
notre secours. Nous ne devons pas espérer d’aide extérieure, il nous faut
réunir toutes les ressources dont nous disposons ici pour notre défense. Une
ville préparée au combat est une cible bien plus délicate qu’une ville qui
attend en espérant qu’il n’ait pas lieu. Je vais en informer le connétable
Mansel immédiatement. Il est certain qu’il voudra lui aussi convoquer un
conseil.
Plusieurs
chevaliers prirent la parole, posant des questions générales sur les
préparatifs et proposant leurs suggestions. Mais ce fut tout, à l’exception
d’une prière pour les chevaliers de Beaufort. Le chapitre était terminé. Le
commandeur réunit ses officiers autour de lui et le clerc chargé de porter le
message au connétable entra dans la salle.
Quand
Garin descendit de l’estrade, Will se leva. Le chevalier lui jeta un bref
regard, puis il se dirigea à la hâte vers les portes. Will se rua à sa
poursuite.
— Will
! cria Robert en s’élançant à son tour dans la cour ensoleillée.
Garin
avait déjà traversé la moitié de la cour, mais il se retourna en entendant
crier. Même s’il paraissait quelque peu effrayé par Will, il ne bougea pas.
Will continua sa course et poussa Garin contre le mur de l’armurerie. En
heurtant la pierre nue, celui-ci eut la respiration coupée. Will le maintint
fermement par les épaules.
— Will
!
— Reste
en dehors de ça, Robert ! cria-t-il en tournant la tête dans sa direction.
— Très
bien, dit Robert en levant les mains en l’air et en s’arrêtant.
Deux
chevaliers sortaient de la maison du chapitre. Ils arrêtèrent leur conversation
en voyant Will bloquer Garin contre le mur. Robert leur sourit.
— Ils
sont frères... expliqua-t-il avec une mimique d’indulgence. Ils ne se sont pas
vus depuis longtemps. Une effusion bien compréhensible...
Les
chevaliers reprirent leur route.
— Je
n’ai pas le livre, si c’est ce que tu cherches, dit rapidement Garin. Je n’ai
pas essayé de le reprendre aux Hospitaliers. Je ne sais pas où il est.
— Le
livre ?
Will
parlait d’une voix basse, à peine plus qu’un soupir, mais ses yeux
étincelaient.
— Tu
penses que cela m’intéresse ?
Will
lui envoya
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