Le livre du cercle

remarqua-t-il en fronçant les sourcils.
    Remettant
la clé dans la bourse attachée à sa ceinture, il souleva le couvercle.
    — Sacrebleu
! jura-t-il en se tournant vers Will. Il n’est plus là !
    À sa
droite, une ombre jaillit de derrière un pilier et Garin hurla de terreur quand
la silhouette recroquevillée se jeta sur lui, cape rousse déployée, ses dents
pourries découvrant un rictus et la dague pointée sur lui.
    Avant
que Garin ait le temps de réagir, Rook l’empoigna, le fit pivoter et pressa sa
dague incurvée contre sa gorge.
    — C’est
parce que c’est moi qui l’ai, petit merdeux !
    Will
aperçut un livre relié en vélin, avec un titre gaufré en feuilles d’or, coincé
dans la ceinture de l’homme qui l’avait torturé dans la maison de passe. Il
reconnaissait Rook à ses yeux et à sa voix. Il voulut tirer son épée.
    — Pose
ça, dit Rook en le regardant, à moins que tu veuilles que je lui tranche la
gorge.
    Will
hésita un instant. Rook enfonça légèrement la lame dans la peau, juste de quoi
faire couler un filet de sang, ce qui fit crier Garin.
    — Tu
sais que j’en suis capable.
    — Très
bien, fit Will.
    — Pas
ici, aboya Rook en le voyant poser l’épée au sol. Là-bas, sur les caisses. Je
ne voudrais pas que tu puisses la récupérer trop rapidement.
    Will
s’exécuta.
    — Reviens
par ici, maintenant.
    Will
retourna à son emplacement initial en gardant les yeux braqués sur Rook, tandis
que celui-ci dégainait l’épée de Garin et la jetait sur un tapis dans le coin
de la pièce.
    — Quel
agréable tableau, dit Rook en pressant sa bouche contre l’oreille de Garin. Je
savais que tu finirais par me trahir.
    — Je
ne vous ai pas trahi !
    Garin
avait du mal à respirer et ses yeux étaient agrandis par la peur.
    — J’utilisais
Campbell pour obtenir le livre, je comptais le rapporter à Londres comme
convenu.
    Les
yeux de Will se rétrécirent et il s’avança d’un pas.
    — Reste
où tu es ! lui cria Rook en raffermissant sa prise sur Garin. De toute façon,
il ment. Tu sais que tu n’as jamais été très doué pour mentir, Lyons ? Tu n’as
pas assez de cran.
    Will,
qui gardait le silence, remarqua que la main de Garin progressait centimètre
après centimètre vers sa bourse.
    — Alors
que moi, reprit gaiement Rook sans s’apercevoir des mouvements de Garin, je
suis très fort pour mentir. C’est un de mes talents, pour ainsi dire. Avec
crocheter les serrures.
    — De
quoi est-ce que vous parlez ? demanda Garin d’une voix sourde.
    — Oh,
je sens que ça va me plaire ! Disons que je te rends la monnaie de ta pièce. Tu
n’aurais pas dû m’obliger à faire tout le chemin jusqu’ici pour réparer tes
erreurs. Maintenant que nous en avons fini, ton ami et toi allez entrer dans ce
coffre et je vais m’en aller.
    Il
éclata de rire.
    — J’aimerais
pouvoir être là quand le grand maître vous découvrira en train de vous câliner
dans son coffre-fort. La tête qu’il fera! Je suppose que vous croupirez dans
l’une de leurs geôles pendant longtemps. Estimez-vous heureux que je vous
laisse en vie. Du moins, pour le moment... Où voulais-je en venir ? Ah, oui. Tu
te rappelles la nuit où nous avons quitté Paris ? J’avais du sang sur moi.
Quand tu m’as demandé d’où il venait, je t’ai dit que je m’étais coupé.
    Dans
son champ de vision, Will vit la main de Garin plonger dans la bourse.
    Rook
pressa sa joue râpeuse contre celle de Garin.
    — J’ai
menti. Ce n’était pas mon sang, mais celui de la putain, Adela.
    — Quoi
? fit Garin d’une voix presque inaudible.
    — Je
l’ai plantée comme une truie, ricana Rook. Mais cette fois, c’était avec ma
lame.
    — Je
ne te crois pas, murmura Garin d’un air incertain.
    — Et
puisqu’on parle de galanteries, pense à ce que je vais faire subir à ta mère quand
je retournerai en Angleterre.
    Son
haleine fétide inondait les narines de Garin.
    — Je
pense que je vais beaucoup m’amuser avec elle.
    Garin
sortit sa main de la bourse. En un mouvement
    d’une
rapidité saisissante, il pivota et leva le bras, et Will aperçut le reflet du
métal. C’était la médaille du tournoi, comprit-il au moment où Garin plongeait
la broche dans l’œil de Rook.
    Du
sang gicla immédiatement et leur agresseur se mit à hurler.
    Il
lâcha la dague et recula en vacillant, les mains sur le visage. Laissant la
médaille tomber sur le tapis, Garin se précipita sur l’arme et se