Le livre du cercle
risque d’une querelle avec le Temple. Pas en ce
moment. Notre situation est trop précaire depuis la chute d’Antioche. Baybars
ne s’arrêtera pas tant qu’il sera en vie, ou tant que nous n’aurons pas quitté
cette terre.
Il
se releva et posa les papiers sur la table.
— J’ai
honoré le serment fait à Châteauneuf. Nous avons échoué. La seule chose que
nous pouvons faire désormais, c’est nous concentrer sur les événements à venir.
Revel
se tourna vers Nicolas, qui le regardait en silence.
— Il
faut mettre un terme aux différends entre nos deux ordres. Nous devons laisser
le passé derrière nous si nous ne voulons pas compromettre l’avenir.
Chapitre 41
Le Temple, Acre
15 juin 1268 après
J.-C.
— Nous
devons continuer à avancer, répéta Will en s’arrêtant pour aider Garin, qui
avait trébuché.
— Arrête,
le supplia celui-ci en se pliant en deux, les mains sur les côtes. Je vais être
malade.
Il
eut des haut-le-cœur mais rien ne sortit et, au bout d’un moment, il se
redressa. Son nez et ses yeux coulaient, il avait l’air vraiment mal en point.
— Ils
doivent déjà avoir sonné l’alarme. Nous devons aller à l’église pour changer
nos vêtements. Avec ceux-là, nous sommes trop repérables.
Will
montrait leurs surcots volés. Le sang sur celui de Garin brillait au clair de
lune.
Le
chevalier se plia en deux dans un spasme et il se mit à sangloter. Plus que des
sanglots, c’étaient des convulsions qui secouaient tout son corps.
Will
regarda par-dessus son épaule et vit deux hommes sortir d’un bâtiment tout
proche. Voyant qu’ils attiraient leur attention, Will se retourna vers Garin.
— Allez,
dit-il en prenant le chevalier par les épaules.
Garin
leva la tête. Son visage taché de sang était tendu par l’angoisse.
— C’est
ma faute si Adela est morte ! C’est ma faute !
— Ce
n’est pas le moment.
— Pas
le moment? Et alors? Nous n’avons pas le temps, peut-être? Mais Will, le temps
ce n’est rien! Rien ! Une succession d’instants vides, à moins d’en faire
quelque chose qui ait un sens. Ma mère, mon oncle, tout le monde au Temple veut
que je sois quelqu’un d’autre que moi. Adela est la seule qui m’ait accepté
comme je suis !
— Tu
la pleureras et ça passera, répondit Will avec rudesse tout en enlevant du
pouce le sang sur la joue de Garin.
— Comme
c’est passé pour toi ? riposta brusquement Garin.
Puis
sa colère reflua et il prit un air contrit.
— Je
ne voulais pas dire ça. Je suis désolé, mon Dieu. Je suis désolé.
— Pas
la peine d’être désolé. Nous devons surtout nous dépêcher.
Garin
finit par se relever et tous deux détalèrent d’un quartier à l’autre, filant
dans la nuit entre les maisons, les boutiques, les églises et les mosquées.
Après
avoir déposé les surcots souillés et récupéré leurs manteaux dans l’église
vénitienne, ils rentrèrent au Temple en empruntant un tunnel souterrain qui
partait du port.
— Tu
devrais te laver avant qu’on t’aperçoive dans cet état, dit Will.
Garin
hocha la tête sans mot dire et ils se séparèrent dans la cour. Will regarda le
chevalier s’éloigner, rempli d’émotions confuses, puis il alla trouver Everard.
Comme à Paris, le prêtre avait sa propre chambre à la commanderie. Le sénéchal,
qui était l’un des trois derniers membres de l’Anima Templi, la lui avait
attribuée sans hésiter. Un rai de lumière filtrait sous sa porte. Will regarda
le livre qu’il tenait entre ses mains. Les lettres d’or sur la couverture
scintillaient. Pour une raison qu’il était incapable d’expliquer, il avait
envie de pleurer. Il frappa à la porte et attendit d’entendre la voix rauque
d’Everard pour entrer.
Le
prêtre était assis à une table, une plume à la main, penché sur un document.
Malgré la chaleur de la nuit et le brasero rempli de charbon qui fumait dans un
coin, il avait enroulé une couverture autour de ses épaules. Un réseau de rides
telle une toile d’araignée parcourait ses joues, et les quelques mèches de
cheveux qui lui restaient tombaient sur ses tempes. Il semblait avoir pris dix
ans en l’espace de quelques mois.
— William,
dit-il avec lassitude. Tu daignes finalement me faire la grâce de ta présence.
Il
reporta son attention sur ce qu’il était en train d’écrire.
— J’ai
parlé à Simon il y a des heures. Je suppose qu’il t’a transmis mon message ?
-—
Il a
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