Le livre du cercle
un cheval et rattrape-le !
— Non,
répéta Will en se dégageant de la poigne d’Everard. Même si je savais par où
aller, je ne bougerais pas. Nous faisons comme vous l’entendez depuis trois
ans, Everard. Ça ne marche pas. Baybars ne veut pas de la paix. Nous avons
envoyé une douzaine d’hommes' traiter avec lui. Combien d’entre eux sont
revenus ?
Everard
pinça les lèvres et sa bouche ne fut plus qu’un mince filet du même rose pâle
que sa cicatrice.
— Nous
devons continuer à essayer.
— Il
est trop tard pour ça.
Will
se détourna, prêt à s’en aller.
— Ils
ne le feront pas, dit Everard en l’attrapant par l’épaule. Ils travaillent avec
lui ! Il leur paye des impôts. Pourquoi mordraient-ils la main qui les nourrit
?
— Ils
n’ont pas tous confiance en lui. Baybars commence à placer ses propres
lieutenants aux postes les plus importants de l’Ordre. Ils craignent qu’il
n’essaye de s’en emparer.
Respirant
avec difficulté, Everard semblait sur le point de succomber à un vertige.
— Au
nom de Dieu, où as-tu trouvé l’argent pour financer ce contrat ?
Quelques
secondes passèrent durant lesquelles Will ne répondit rien, se contentant de
planter ses yeux dans ceux d’Everard. Quand celui-ci comprit, son menton se mit
à trembler.
— Dans
mes caisses, c’est cela ? vociféra le prêtre, incrédule. Vipère!
— Vous
vouliez mon aide, Everard, vous vouliez que je dise ce que je pensais et que je
n’hésite pas à prendre des décisions. Vous êtes servi. Votre méthode n’a mené à
rien. Maintenant, nous essayons la mienne.
Chapitre 43
Alep, Syrie
8 août 1271 après
J.-C.
— N’est-elle
pas rayonnante, seigneur? murmura Kalawun.
Il
sourit en regardant sa fille attraper un chat aux yeux en amande entré par les
portes grandes ouvertes de la salle du trône. L’air chaud et immobile était
étouffant et les domestiques essayaient de rafraîchir l’assemblée de généraux,
de commandants et de courtisans en leur proposant des sorbets. Des esclaves
tiraient sur des cordes pour actionner de grands éventails suspendus au
plafond.
— Parfaite
pour un sultan, admit Baybars en regardant sa bru se faufiler à travers la
foule et emmener le chat vers la table où des serviteurs nettoyaient les restes
du festin.
Un
groupe de femmes cancanait à propos de la jolie jeune fille tandis qu’elle
mettait quelques morceaux de viande sur un plateau d’argent afin de nourrir
l’animal. La femme de Baybars, Fatima, était du nombre. Elle portait dans ses
bras un bébé qui pleurait - le second héritier, Nizam ne lui ayant pas donné
d’autre descendance.
Baraka
Khan flânait avec quelques camarades dans un coin de la salle. En trois ans, le
garçon avait grandi et son visage révélait maintenant l’homme qu’il serait. Il
ne montrait aucun signe d’intérêt pour sa future femme, mais Baybars se disait
qu’il avait encore bien le temps pour ça. Cette fête de fiançailles était avant
tout l’occasion de se divertir. Les fruits de cette union viendraient plus
tard, quand ils seraient mariés.
Dépassant
les danseurs qui tourbillonnaient au son des cithares, des tambours et des
qanouns, Omar monta sur l’estrade et salua Baybars.
— Les
artistes sont là, seigneur. Voulez-vous qu’on les fasse entrer ?
— Oui.
Mais reste un peu, Omar, lança Baybars en voyant que l’officier partait.
Assieds-toi avec moi.
Omar
sourit.
— Avec
plaisir, seigneur.
Baybars
fit signe à un domestique.
— Faites
entrer les artistes, dégagez-leur un espace. Et apportez-moi du koumys.
Quand
le domestique fut parti, Kalawun se tourna vers Baybars.
— Je
vais dire aux fiancés de s’asseoir l’un à côté de l’autre pour le spectacle.
Il
s’éloigna à son tour et Baybars guida Omar vers les coussins installés sur la
plus haute marche de l’estrade
-
place réservée en principe aux plus hauts dignitaires. Omar s’assit et prit une
poignée de figues dans l’un des plats disposés sur les tables alentour.
— Fais
attention, mon ami, dit Baybars d’un air amusé. Tu vas finir par ne plus
rentrer dans ton uniforme. J’ai peur que nous ne passions un peu trop de temps
à manger au lieu de nous battre.
— Tu
mérites de t’accorder un peu de répit, lui répondit Omar en adoptant le
tutoiement de leurs entrevues privées. Les Francs ne peuvent plus vraiment nous
attaquer et nous contrôlons les Mongols.
— Je
me reposerai le temps
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