Le livre du cercle
belliqueux et des bêtes menaçantes.
Au
bout d’un moment, Baybars commença à remuer sur son trône. Le spectacle n’était
pas aussi captivant qu’il s’y attendait. Les formes sur le mur devaient sans
doute paraître plus convaincantes à un enfant de neuf ans qu’à un soldat de
quarante-huit. Recroquevillé à ses pieds, Khadir jetait aux deux hommes un
regard perçant. De temps à autre, les éclats de voix du narrateur le faisaient
tressaillir, puis il retombait dans une quiétude trompeuse.
L’artiste
aux cheveux écarlates prit dans la voiture de la paille et un pot, puis il
s’approcha de l’estrade. -
— Pour
finir, murmura-t-il à l’assistance captive, cette beauté radieuse arriva à un
palais, attirée là par le chant d’une vieille femme que le vent lui portait
comme un parfum de fleur.
Il
fourra la paille dans le pot, porta le tout à ses lèvres et souffla en
répandant autour de lui une cascade de bulles. S’accroupissant, il posa le pot
sur les marches en marbre tandis qu’une des bulles voletait au loin et atterrissait
sur la main d’Omar. Celui-ci la tendit en souriant au sultan, mais la bulle
éclata. Un cri haut perché déchira soudain le silence. Baybars se redressa
vivement. Blotti contre ses jambes, les yeux fixés sur l’artiste, Khadir hurla
de nouveau. La cape miroitante de l’artiste glissa de ses épaules dans un
mouvement presque irréel, il tenait à la main une dague au manche doré et
incrusté d’un rubis rouge scintillant.
— Haschishin
! s’époumona Khadir . Haschishin !
L’Assassin
aux cheveux écarlates sauta d’un bond sur l’estrade et courut vers Baybars. Le
sultan n’avait aucune chance d’en réchapper. Il essaya de se lever mais l’Assassin
était déjà devant lui, l’arme levée prête à frapper. Omar se jeta en avant.
L’Assassin poussa un cri féroce en enfonçant la lame dans la poitrine d’Omar et
l’officier s’écroula sur les genoux de Baybars. Des cris retentirent dans la
salle. Voyant l’échec de son camarade, le jeune homme maigre avait lui aussi
sorti une dague et il courait maintenant vers le trône, mais Kalawun, qui
s’était précipité pour protéger Baraka, le tua avant qu’il ne l’atteigne.
— Capturez-le
! rugit Baybars en étreignant Omar, qui luttait pour respirer. Je veux savoir
qui les a envoyés !
L’Assassin
encore en vie, dépourvu d’arme, était redescendu de l’estrade. Il n’opposa
aucune résistance quand plusieurs guerriers bahrites l’entourèrent. On entendit
un hurlement venu de derrière le trône. Le devin jaillit et s’élança sur
l’Assassin.
— Non
! cria Baybars en empoignant Omar qui commençait à glisser sur le sol, la dague
toujours coincée dans la poitrine.
Mais
Khadir ne tint pas compte de son ordre. L’ancien Assassin se jeta sur l’homme
la dague en avant et celui-ci eut à peine le temps de prononcer une prière
avant de tomber sous le déluge de coups. Tandis que les guerriers bahrites
essayaient d’arrêter sa frénésie, Baybars déposa doucement Omar sur les
coussins.
— De
l’aide ! cria-t-il en tapotant les joues livides d’Omar. Où sont les médecins ?
Omar
se passa la langue sur les lèvres, qu’il avait sèches, et leva les yeux vers
Baybars, ses yeux bruns presque fermés. Il sourit faiblement.
— Tu
as l’air fatigué, mon ami.
Il
leva la main vers le visage de Baybars, mais son bras retomba sur son torse.
Baybars poussa un hurlement terrifiant quand la tête d’Omar s’effondra contre
sa poitrine pour ne plus en bouger. Il se pencha et le gifla.
— Pas
pour moi, Omar, hurla-t-il. Tu n’aurais pas dû faire ça pour moi.
Au
bout d’un moment, il se redressa et secoua Omar par les épaules.
— Debout
! Je te l’ordonne !
Mais
son pouvoir de sultan n’avait aucune prise sur la mort. Tout était fini.
Les
médecins arrivèrent mais n’approchèrent pas, constatant qu’il était trop tard.
Il ne restait plus qu’une chose à faire. Baybars s’agenouilla et mit sa bouche
contre l’oreille d’Omar. Puis il y souffla quelques mots.
Ashhadu
an lâ ilâha illa-llâh. Wa ashhadu anna Muhammadan rasûlu-llâh.
Il
n’y a de Dieu que Dieu. Mohammed est Son Prophète.
Chapitre 44
Le Temple, Acre
19 septembre 1271
après J.-C.
— Tu
as échoué.
Will
détourna le regard. Everard se tenait sur les remparts, derrière lui. Le prêtre
avait le visage en sueur et la respiration coupée à cause des marches
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