Le livre du cercle
cheval. Soudain,
un homme sembla s’extraire des peintures et s’avancer.
— Sergent
Lyons, dit le prince Édouard en souriant, je suis content que tu sois venu.
Surpris,
Garin oublia de s’incliner. Le prince ne sembla pas s’en offusquer.
— Assieds-toi,
je t’en prie, fit-il en lui indiquant l’un des bancs.
Garin
avait les jambes en coton mais il obéit, après avoir jeté un coup d’œil à Rook
qui restait près de la porte. Édouard s’assit face à lui. À la lumière de la
bougie, Garin eut l’impression que sa mâchoire et ses joues étaient taillées à
la serpe. Il prit une cruche posée sur la table.
— Veux-tu
boire quelque chose ?
Garin
acquiesça, sa bouche était pâteuse.
— Volontiers,
prince.
— Il
vient des terres de mon père en Gascogne, expliqua Édouard en le servant. Le
meilleur vin de la Chrétienté.
Garin
avait trop soif pour réellement l’apprécier. Cependant, la chaleur et la
puissance du vin le détendirent.
Édouard
remplit de nouveau la coupe du garçon.
— J’espère
que tu n’as pas eu de difficulté à sortir de la commanderie.
— Non,
prince.
— Bien,
dit Édouard en faisant tourner sa coupe entre ses longs doigts. Je suis désolé
de t’avoir fait venir de cette manière, Garin, mais la nature de ma requête
m’oblige au secret.
Après
un temps de pause durant lequel Garin garda le silence, le prince reprit la
parole.
— La
raison pour laquelle je voulais te voir, c’est parce que je crois que tu
pourrais m’aider à régler un problème. À la demande de maître de Pairaud, le
roi a accepté de mettre en gage les joyaux de la Couronne. Ils partiront dans
cinq jours pour Paris, où ils seront conservés jusqu’à ce que le roi ait payé
sa dette.
Garin
hocha la tête. Son oncle lui avait dit la veille que le roi avait fini par
accepter et qu’il ferait partie de l’escorte. Il se demandait de plus en plus
ce qu’il faisait là.
Édouard
prit une gorgée de vin en étudiant le garçon.
— Je
vais être franc avec toi, Garin. Je ne veux pas qu’on confie les joyaux à
l’Ordre. Ils appartiennent à mon père et à sa lignée. Nous avons tenté de
raisonner les chevaliers, mais ils ne veulent rien entendre. Ils ne me laissent
pas d’autre choix que de m’en occuper moi-même. Les joyaux iront bien aux
chevaliers mais je les récupérerai.
Garin
avait du mal à suivre la pensée du prince.
— Prince,
je...
Édouard
leva sa main pour le faire taire.
— Je
veux que tu m’aides, Garin. Ma mère, la reine, escortera les joyaux. Mon père
l’a exigé. Mais les chevaliers gardent secret les détails du voyage. En tant
que neveu de Jacques de Lyons, tu as accès à ces informations.
En
saisissant ce que le prince voulait, Garin fut très étonné. Il se leva, sa tête
tournait autant à cause du vin que de cette révélation.
— Je...
je suis désolé. Je ne peux pas !
Il
faillit renverser le banc dans sa hâte de partir. Tout ce qu’il désirait,
c’était la lumière du jour, l’air frais, loin d’ici.
La
voix d’Édouard s’éleva derrière lui.
— Ne
souhaites-tu pas faire briller le nom de ta famille ? Que les Lyons soient de
nouveau la noble lignée qu’ils étaient au royaume de France ?
Garin
sursauta. Il se retourna pour faire face à Édouard sans voir que Rook avait
sorti une dague.
— N’est-ce
pas ce que tu as dit au chancelier quand tu l’as accompagné à la cellule de ton
maître ? Que tu ressens ce poids qu’on t’a mis sur les épaules comme un fardeau
?
Garin
secoua la tête. Ce n’était pas exactement ce qu’il avait dit.
— Je
peux réaliser tes souhaits, Garin. Faire de toi un seigneur, t’attribuer des
terres, te rendre riche.
Garin
ne bougea pas. Dans son dos, la dague de Rook retourna à sa ceinture.
— Tout
ce que tu as à faire, c’est me dire ce que tu sais sur le trajet. Et je t’accorderai
tout ce que tu veux.
— Et
si quelqu’un le découvrait ? marmonna Garin, sa propre voix résonnant
étrangement à ses oreilles.
— Personne
n’en saura jamais rien.
— Mais
comment... comment comptez-vous récupérer les joyaux ?
Édouard
finit son vin et posa la coupe.
— Ne
t’inquiète pas pour ça. Personne ne sera blessé.
Il
se leva et s’approcha de Garin. Pour le garçon, ce grand prince semblait tout
droit sorti d’un ancien poème, à la fois terrifiant et fascinant. Il était un
mythe, non un homme.
— Les
joyaux sont à ma famille. Je ne fais que
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