Le livre du cercle
pense.
— Suivez-moi.
Garin
traversa le pont derrière l’homme. Le second garde avait sorti un trousseau de
clés et déverrouillait la porte. Celle-ci s’ouvrit sur une grande cour menant à
une forteresse en pierre et en marbre flanquée d’immenses tourelles. La
forteresse était entourée d’arbres et de dépendances, dont une structure en
bois plus haute que les autres.
— Allez-y,
dit le premier garde avec impatience.
— Où
dois-je aller? demanda Garin en se sentant rougir.
— Quelqu’un
va venir à votre rencontre.
Garin
s’avança et tressaillit en entendant la porte se fermer derrière lui, puis la
clé tourner dans la serrure. Toute sa confiance en lui s’évanouit et il
commença lentement à marcher.
Après
avoir parcouru une courte distance, il arriva près du bâtiment en bois. Une
odeur fétide s’en dégageait. Quelques gardes patrouillaient près de la
forteresse et des domestiques s’affairaient un peu plus loin, mais il n’y avait
personne dans la cour. Garin se retourna en entendant du bruit dans le bâtiment
derrière lui. Curieux, il s’approcha et risqua un coup d’œil entre des planches
disjointes. Mais il faisait trop sombre à l’intérieur, il ne vit rien. Avisant
une ouverture carrée dans la façade, il se mit sur la pointe des pieds. L’odeur
était encore pire. Quelque chose pendait juste devant l’ouverture. On aurait
dit une peau de cuir. Garin s’agrippa au rebord de l’ouverture et se hissa à sa
hauteur. La peau de cuir bougea et soudain il fit face à une tête colossale qui
le regardait. Il tomba à la renverse et buta, derrière lui, contre quelqu’un.
Il se retourna, confus et prêt à s’excuser, mais c’était l’homme à la mâchoire
carrée et à la peau grêlée qui lui avait donné l’ordre de venir deux jours plus
tôt. Un bruit aussi puissant que dix trompettes parvint du bâtiment.
—
Qu’est-ce que c’est ?
— L’animal
de compagnie du roi Henri, répondit l’homme sans se départir de son calme.
Dépêche-toi.
Il
prit Garin par la manche et attira le garçon hébété vers la Tour. Sa cape rousse
claquait au vent tandis qu’ils traversaient la cour.
— Il
t’attend.
—
Mais qu’est-ce que c’est ? demanda Garin en regardant le serpent qui
passait par l’ouverture et qui était attaché à la tête de la bête.
L’homme,
qui s’appelait Rook, fit un effort visible pour être courtois.
— Un
éléphant. Cadeau du roi Louis. Il l’a ramené d’Égypte.
Quittant
le monstre des yeux, Garin se laissa emmener. Rook dégageait une odeur aigre de
sueur et Garin devait respirer par la bouche pour éviter que sa nausée
n’empire.
— As-tu
dit à quelqu’un que tu venais ici ?
— Non.
J’ai fait comme vous m’avez dit. Personne ne m’a vu partir.
Rook
étudia attentivement le garçon. Au bout d’un moment, il eut une sorte de
grognement satisfait.
Garin
devait presque courir pour suivre l’allure. Ils passèrent devant plusieurs
gardes qui ne leur prêtèrent aucune attention, firent le tour du bâtiment
principal et entrèrent par une petite porte à l’arrière. Une entrée de service,
pensa nerveusement Garin, certainement pas celle qu’utilisent des invités
normaux. La main de Rook tenait fermement son épaule. Ils empruntèrent un
couloir étroit, puis un escalier en spirale. Garin n’avait pas l’impression
qu’on le guidait, mais qu’on le poussait. Il essaya de reprendre sa respiration
quand ils arrivèrent en haut, où une série de fenêtres donnait sur la cour et,
au-delà des murs, sur la Tamise. Sans ralentir, Rook le dirigea vers une porte
en bois à laquelle il frappa deux fois avant d’ouvrir.
Garin
aurait tout donné pour rebrousser chemin. Mais la question qui le taraudait
depuis que Rook était venu le voir tournait toujours dans son esprit : que
pouvait bien lui vouloir l’héritier du trône d’Angleterre ?
La
chambre était plongée dans l’obscurité. De lourdes tentures noires obstruaient
les fenêtres, empêchant la lumière du jour d’entrer. À intervalles réguliers,
des rayons de lumière filtraient, révélant la poussière en suspension au-dessus
des dalles froides. L’autre éclairage provenait d’une simple bougie brûlant sur
une table en chêne encadrée par deux bancs. Il lui semblait voir un lit contre
le mur opposé. Malgré la pénombre, il parvint aussi à discerner quelques scènes
peintes sur les murs : des bâtiments, une forêt, des soldats à
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