Le livre du cercle
lui.
— Merci,
dit-elle sincèrement. Tu m’as sauvé la vie. On m’a dit que toi aussi, tu as
perdu de la famille dans cette bataille, ajouta-t-elle doucement. Un oncle,
c’est ça ?
— Oui.
Et
sans rien ajouter, Garin tourna les talons.
— Garin
!
Will
passa à côté d’Elwen, qui se mordillait les lèvres, et rattrapa son ami.
— Qu’est-ce
qu’il y a ?
— Rien,
fit Garin en lui jetant un regard en coin. Je veux juste qu’on me laisse
tranquille.
— On
peut te laisser seul si tu veux, dit Will en faisant un signe interrogatif à
Elwen.
La
jeune fille acquiesça.
— Non,
c’est moi qui m’en vais, dit sèchement Garin en repartant.
Will
se mit en travers de son chemin.
— Garin,
s’il te plaît. Tu ne m’as pas adressé la parole depuis la bataille. Qu’est-ce
qui se passe ?
Le visage
de son ami se ferma un peu plus.
— Je
n’ai pas envie de te parler, c’est tout.
— Pourquoi
?
Garin
se détourna et fit le tour des tombes.
— Laisse-moi
tranquille.
Will
le rejoignit à côté de la tombe d’Owein et l’agrippa par la manche avec plus de
fermeté qu’il n’en avait eu l’intention.
— Moi
aussi, j’ai perdu mon maître ! Je sais ce que tu ressens !
— Tu
n’as aucune idée de ce que je ressens ! s’écria Garin en repoussant brusquement
la main de son ami. Tout ça, c’est de ta faute !
— Quoi
? fit Will, médusé.
— Toujours
à te fourrer dans le pétrin ! Toujours à chercher les problèmes, et Owein qui
te laissait t’en tirer avec quelques remontrances ! Et qu’est-ce que j’ai eu,
moi?
— Ce
n’est pas ma...
— J’ai
reçu toutes les punitions que toi, tu ne recevais pas !
Elwen
regardait la scène en silence.
— Ce
n’est pas moi qui te punissais, c’est Jacques. Et il t’aurait puni de toute
manière, même si je n’avais pas été là.
— Non
! Si tu n’avais pas été là, mon oncle n’aurait pas eu besoin de me punir, et
moi je n’aurais pas eu besoin de...
Garin
s’arrêta, les yeux remplis de larmes.
— Il
est mort. Mon oncle est mort. Et c’est ta faute !
— Pourquoi
veux-tu que ce soit ma faute ? s’exclama Will. Je n’ai rien fait de mal, que je
sache !
— Tu
ne fais jamais rien de mal, hein ? lui répliqua Garin, le visage cramoisi par
la fureur. Même quand tu lui désobéissais, Owein était fier de toi. Et ton père
? Tu as tué ta sœur, il t’a quand même inscrit au Temple !
Will
explosa et lui envoya sans réfléchir un coup de poing dans la mâchoire. Elwen
poussa un cri. Garin trébucha, son pied buta contre la tombe d’Owein, et il
tomba sur les lys qu’Elwen avait déposés plus tôt. Will s’avança les poings
serrés, prêt à se battre, puis il vit du sang au coin de la bouche de Garin et
sa colère reflua instantanément.
— Garin.
Je... Je ne voulais pas.
Le
jeune homme se releva et passa la main sur sa bouche. Il regarda le sang, puis
Will, et il partit en courant.
Will
tressaillit en sentant une main sur son bras.
— Pourquoi
l’as-tu frappé ? murmura Elwen. Qu’est-ce qu’il voulait dire, à propos de ta
sœur ?
Will
poussa un profond soupir.
— Je
suis désolé.
Ce
fut tout ce qu’il dit avant de s’enfuir à son tour.
Sur
la tombe gisaient, éparpillés, les lys écrasés.
Chapitre 15
Le Temple, Paris
27 octobre 1260 après
J.-C.
Will
s’assit sur sa paillasse. Il respirait bruyamment. Ses phalanges avaient déjà
commencé à rougir. Il n’avait parlé de sa sœur qu’à Garin. Même Simon n’était
pas au courant. Il ne pouvait pas croire que son ami le lui avait renvoyé en
pleine figure. Garin... Will courba la tête, honteux au souvenir de ses lèvres
rougies par le sang. D’une main tremblante, il sortit de son sac un parchemin
plié en quatre. Il avait commencé la lettre pour sa mère juste avant de partir
pour Paris. Et ne l’avait toujours pas terminée. Il relut les mots qu’il lui
avait écrits de sa petite écriture hachée.
Quelques
heures plus tard, quand les cloches sonnèrent la fin des vêpres, la porte
s’ouvrit et Robert entra.
— Je
me demandais où tu étais passé. Il est presque l’heure du souper.
Will
était assis sur son lit, des lambeaux de parchemin éparpillés sur sa
couverture. Il s’essuya le visage tandis que Robert s’approchait.
— Qu’est-ce
qui s’est passé? demanda Robert en voyant la lettre déchiquetée.
— Je
n’ai pas envie d’en parler.
Robert
haussa les épaules et s’assit au
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