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Le livre du magicien

Le livre du magicien

Titel: Le livre du magicien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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d’avoir échappé au froid glacial. Au pied de sa couche, dos contre le grand coffre, Chanson était occupé à réparer une sangle pendant qu’au fond de la pièce, Ranulf apprenait à Bolingbroke comment tricher au jeu de hasard et échanger de bons dés pour des dés pipés. Il agissait si vite et avec tant d’adresse que Bolingbroke se récria et que l’écuyer dut recommencer son tour de passe-passe plus lentement.
    — Il faut être rapide, l’avertit-il. Si on vous prend sur le fait, on sortira les couteaux.
    Bolingbroke joua quelques coups gagnants avec ses propres dés, provoquant ainsi un grand rire quand Ranulf dut admettre que son partenaire pratiquait, peut-être, l’escroquerie autant que lui.
    Corbett retourna à l’examen de l’Opus tertium de Roger Bacon dans l’exemplaire appartenant au roi. Il articula à voix basse les mots dont s’était servi le franciscain pour décrire sa vie consacrée à l’étude : « Pendant ces vingt dernières années j’ai poursuivi la sagesse avec assiduité. J’ai abandonné les méthodes habituelles. » Le magistrat leva la tête. Les méthodes habituelles, se dit-il, de quoi s’agissait-il ? De la dispute ? De la controverse ? De l’échange d’idées avec d’autres érudits ? « J’ai dépensé plus de vingt livres pour acquérir des volumes secrets et mener diverses expériences, sans parler de l’apprentissage des langues, de l’achat d’instruments et de tables de mathématiques », écrivait frère Roger. Corbett se redressa et reposa le lourd recueil dans son giron en marquant la page du doigt. Qu’étaient donc ces ouvrages secrets ? Frère Roger avait-il vraiment découvert des connaissances cachées – ou était-il tombé dessus ? Il ouvrit derechef le livre et relut le passage en suivant les mots du doigt et en traduisant le latin au fur et à mesure. Il déplaça le manuscrit pour détailler l’expression « vingt livres » et nota que le vélin était marqué et l’encre plutôt barbouillée, comme si on avait essayé de gratter les mots, d’effacer les lettres.
    Exaspéré, il ferma le registre et le déposa sur la table à côté de lui. Il regarda quelques instants les deux joueurs tout en s’émerveillant de la persévérance de son écuyer. Chanson lui avait appris qu’à peine de retour à Corfe, Ranulf s’était lancé dans ses propres études et s’était mis en quête de Lady Constance. Ils s’étaient installés, en tête à tête, devant la grande cheminée de la salle des Anges.
    — Ils bavardaient, Messire. Oh, comme ils bavardaient ! lui avait rapporté le palefrenier. Et Lady Constance a beaucoup ri.
    Ranulf, levant les yeux, croisa le regard de son maître, sourit et leva la main. « Tu fais toujours rire les dames, pensa le magistrat, c’est là un de tes talents. Ranulf, esprit vif et langue acerbe. »
    Bolingbroke avait narré qu’au terme de la comparaison conduite avec Sanson, les deux manuscrits se révélaient identiques en tout point.
    — Comme deux gouttes d’eau, avait-il conclu, mais quant à les comprendre... Les Français se sont retirés dans leurs quartiers pour étudier le mystère.
    Corbett avait lui aussi décidé de parcourir de nouveau les écrits de frère Roger pour trouver une clef, une solution aux mystères.
    Chanson se releva avec peine, tenant toujours la sangle de l’étrier.
    — Quelle heure est-il ? s’enquit Corbett.
    Le palefrenier alla au bout de la pièce et descendit la bougie des heures de son support.
    — Entre six et sept heures du soir. Il fait noir dehors. J’ai faim, Messire.
    Le magistrat prit le manuscrit qu’il était en train de lire.
    — Répète après moi, Chanson : Opus tertium.
    Chanson s’exécuta.
    — Et à présent, ordonna le magistrat, va porter mes compliments à Monsieur Crotoy. Demande-lui si je peux emprunter leur copie du livre de frère Bacon qui a ce titre.
    — Mais vous en avez déjà une, s’insurgea Chanson en désignant l’ouvrage relié en peau de veau. Et le froid est si rude...
    — Fais ce qu’on te dit, palefrenier des écuries, coupa Ranulf désireux de se venger des plaisanteries de Chanson à propos de Lady Constance. Oh, peu importe ! ajouta-t-il, en repoussant sa sellette et en mettant ses bottes et sa chape, je vais y aller moi-même.
    — Oui, et on ne te reverra pas avant minuit ! commenta Chanson.
    Il se baissa brusquement quand Ranulf s’approcha pour lui donner une

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