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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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rubis sur l’ongle, sans lui passer un seul denier. Tant est que sa
considération pour moi grandissant à proportion de ma libéralité, elle me
voulut elle-même conduire à ma chambre, suivie pas à pas par son mari, lequel
n’ouvrait jamais le bec – sa femme l’ouvrant pour deux – mais
paraissait toutefois fort menaçant, étant velu et musculeux, l’œil petit et
féroce. Il obéissait en tout à sa femme, laquelle en ce logis portait le
haut-de-chausses. Néanmoins, on le sentait prêt à bondir et à planter ses crocs
dans la gorge d’un badin qui se serait avisé de conter fleurette à sa puce.
    Je fis compliment à Toinette de ma chambre qui était
spacieuse et claire avec belle vue sur de grands arbres et de vertes prairies.
    — Ma fé ! Monsieur le Comte ! dit-elle, je ne
pouvais faire moins, Monsieur de Schomberg étant venu de sa personne me la
louer pour vous, et m’amenant aussi les soldats qui forment votre garde. Je me
suis apensé que vous deviez être un seigneur de grande conséquence, et
peut-être même un duc, pour qu’un maréchal de France se dérange pour vous et
vous baille une garde de soldats si beaux, si bien vêtus et si courtois.
    — M’amie, ces soldats sont des mousquetaires du roi et
tous de bon lieu et de noble famille. Veillez seulement à ce qu’ils
n’engrossent pas vos chambrières.
    — Voire mais, Monsieur le Comte ! C’est à ces
coquefredouilles de défendre elles-mêmes leur devant. Je n’y fourre pas le
nez ! J’ai trop de soucis à me faire pour me faire aussi celui-là !
    — M’amie, dis-je à ce propos, j’ai ouï de Monsieur de
Schomberg que vous aviez céans Monsieur le marquis de Chalais, qui est un grand
ami à moi.
    — Monsieur le Comte, dit la petitime l’œil soudain
froidureux et la mine fermée, je suis sérieuse et discrète alberguière et je ne
babille pas à tous vents les noms de ma pratique.
    — M’amie, dis-je, un écu surgissant dans ma dextre,
lequel je glissai incontinent dans la sienne, Monsieur de Chalais, je le
répète, est fort de mes amis.
    Ce faisant, de force forcée, je dus bien toucher sa main et
le mari gronda et montra les dents comme s’il allait se jeter sur moi.
    — Paix là, Guillaume ! dit Toinette d’un ton à la
fois ferme et caressant.
    Sur quoi, aussitôt, il s’apazima. C’était merveille de voir
l’empire que cette petitime avait conquis sur ce monstre : grande
revanche, à mon sentiment, de l’esprit sur la matière. Car petite, certes,
Toinette l’était, sa tête atteignant à peine le niveau de mon épigastre,
toutefois fort bien proportionnée et rondie en toutes ses parties.
    — Monsieur le Comte, dit-elle fort adoucie, Monsieur de
Chalais est là et bien là et fort occupé, ayant une caillette en main.
    — Et quand le pourrai-je voir ?
    — Je ne sais. Il est céans depuis deux heures avec
Cathau et à la noise qu’il fait, il n’est pas près d’avoir épuisé ses
munitions.
    — Toutefois, M’amie, il ne se peut qu’il ne se fasse
porter quand et quand un pichet de vin et quelques gentillesses de gueule pour
soutenir ses forces.
    — Oui-da ! Il n’y faillit pas !
    — Et qui les lui porte ?
    — Guillaume et moi.
    — M’amie, voudriez-vous, quand il vous appellera
derechef, lui dire que le comte d’Orbieu l’invite à dîner dans sa chambre sur
les onze heures du matin ?
    À quoi, sans dire mot ni miette, la petitime, élevant entre
le pouce et l’index l’écu que je lui avais baillé, m’espincha d’un air entendu.
    — N’est-ce pas, Monsieur le Comte, qu’il est beau ?
    — Assurément.
    — Mais je m’apense, reprit-elle, qu’il serait plus beau
encore, s’il avait un jumeau.
    Je fus béant. Quelle sorte de petit vautour était-ce là qui
me mangeait la bourse à plein bec ! Toutefois, tout me pressait : mon
plan, ma mission, le temps. Je lui baillai le deuxième écu, mais cette fois en
le laissant tomber dans sa menotte crochue, sans la toucher, tant est que son
dogue n’eut pas à gronder.
    — Monsieur le Comte, dit-elle, roucoulante comme un
rossignol, tant promis tant tenu ! Je viendrai, si Monsieur le Marquis dit
« oui », ce dont je ne doute pas, dresser la table à dix heures et
demie dans votre chambre. D’ici là, Monsieur le Comte veut-il de la
compagnie ?
    — Quelle compagnie ?
    — Monsieur le Comte sait bien laquelle…
    — La grand merci à toi, m’amie. Je vais rêver.
    — Monsieur

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