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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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peut arriver de mettre la charrue devant les bœufs. » À quoi Fogacer,
qui savait tout, fit remarquer que le cardinal n’avait rien gagné à cette
transaction, y retrouvant à peine sa mise. «  Et je compte pour
rien, ajouta-t-il, la peine, les soucis et le labeur que cette maison lui a
coûtés. » De reste, elle en coûta aussi à Monsieur, qui engloutit une
fortune dans la construction d’un aqueduc souterrain pour conduire les eaux du
pays de Chaumusson jusqu’au château de Limours.
    Mais plaise à toi, lecteur, que je revienne à nos moutons. À
considérer le visage si ingénument expressif de Monsieur, il m’apparut que même
en ses rêves les plus extravagants, il n’avait jamais espéré un tel apanage. Se
peut aussi qu’il réfléchit alors – lui qui réfléchissait si peu, étant
tout entier au moment présent – que s’il avait tué le cardinal, il aurait
encouru – certes point un procès, ni une condamnation – mais un
longuissime exil dans un de ses propres châteaux, surveillé nuit et jour par
les gardes du roi. Bref, la sécurité, la facilité, l’indolence à se donner
peine longtemps et dans la même direction, l’inclinaient à se soumettre à ce
mariage où il y avait tout à gagner s’il l’acceptait, et beaucoup à perdre,
s’il s’obstinait à le refuser. Toutefois, hésitant encore, lui qui ne prenait
jamais une décision sans être aussitôt assailli par le doute qu’elle ne fût pas
la bonne, il tâcha de concilier sa bonne fortune avec le souci de son amitié
pour d’Ornano.
    — Mon cousin, dit-il après un long silence, croyez-vous
que si j’épouse Mademoiselle de Montpensier, le roi fera grâce au maréchal
d’Ornano ?
    Ce naïf barguin faillit avoir raison de l’impassibilité du
cardinal. Mais, visiblement, ce n’était pas une de ces occasions où un
diplomate peut se laisser aller à dire la vérité.
    — Espérez, Monseigneur ! Espérez ! dit
Richelieu d’un ton des plus encourageants.
    Je ne sais si Monsieur prit au sérieux cet espoir, mais à
mon sentiment, c’était tout justement le genre de propos qu’on tient au chevet
d’un mourant. Le cardinal n’ignorait pas qu’il n’y avait pas la moindre chance
que Louis fit jamais grâce à d’Ornano. Le maréchal avait commis à ses yeux le
pire des crimes : il avait noué contre son roi des intelligences avec
l’étranger.
    Au sortir des appartements de Monsieur, le cardinal me prit
à part et me dit à l’oreille :
    — J’ai retourné Monsieur, pour le moment du moins. Mais
le péril demeure. Il est même imminent. Il n’y a pas de venin chez Monsieur.
Mais il y en a beaucoup chez les Vendôme et aussi de la haine, cuite et recuite
dans les fourneaux de leur insufférable arrogance. Comte, prenez langue le plus
tôt possible avec Chalais, et gagnez-le. Offrez-lui la charge de grand maître
de la cavalerie légère, à laquelle le roi s’engage à l’appeler, dès que
Monsieur sera marié.
     
    *
    * *
     
    Le cardinal m’ayant persuadé de l’imminence du danger,
j’entrepris ma quête aussitôt, mais chercher le marquis de Chalais dans le
château de Fontainebleau, c’était tout justement chercher une aiguille dans une
botte de foin. Je ne pouvais non plus m’enquérir de son appartement sans faire
naître, et sur lui et sur moi, de dangereux soupçons, Monsieur de Chalais étant
de notoriété publique tout acquis à Monsieur, et moi-même au roi.
    J’usai mes bottes à le chercher dans la cohue de
Fontainebleau, fort envisagé ou dévisagé, selon qu’on aimât mon maître, ou
qu’on préférât Monsieur, car déjà la cabale avait cruellement divisé la Cour en
deux partis.
    Nulle part je ne trouvai mon homme. Je parcourus alors les
écuries qui, si vastes qu’elles fussent, ne l’étaient pas encore assez, à en
juger par la presse et le moutonnement quasi à l’infini des croupes qui se
présentaient à moi à dextre et à senestre. Je ne fus pas long pourtant à
retrouver ma jument bien-aimée, mais à mon déplaisir, elle ne me parut pas
aussi bien étrillée et pimpante que du vivant du pauvre La Barge. J’interpellai
les palefreniers, me nommai à eux, et avec je ne sais combien de bonnetades,
ils me promirent de la mieux panser à l’avenir. Mais jugeant, à voir la
quantité de travail qui les accablait, leurs promesses quelque peu volatiles,
j’entrepris de leur donner du poids en leur mettant dans les mains quelques
piécettes. Elles firent

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