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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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lequel en fit son rapport à
Henri IV.
    — Arrêtez-le, dit Henri. Fouillez-le. Et s’il n’a pas
d’arme sur lui, relâchez-le.
    On arrêta le quidam. Il s’appelait Ravaillac. Il dit qu’il
voulait voir le roi. On le fouilla, et comme apparemment il n’avait rien sur
lui, on le laissa partir. On ne sut que plus tard combien la fouille avait été
mal conduite. Le garde qui en eut la charge tâta successivement la poitrine du
prisonnier, son dos, ses hanches, ses cuisses, et il s’arrêta là. Si ses mains
avaient pris la peine de descendre au-dessous du genou, elles eussent trouvé,
attaché le long du mollet gauche, et la jarretière en dissimulant le manche, le
couteau de Ravaillac. C’est ainsi que la petite négligence d’un garde, au cours
d’une petite fouille de routine, coûta la vie à un grand roi.
    Mais laissons là pour un court instant Monsieur de Chalais,
Monsieur de Louvigny et la belle Madame de C., si bien pourvue par la nature.
Et puisque Louis et le cardinal le veulent pour les raisons qu’on a dites,
prenons le chemin de Nantes. Partis de Blois le vingt-sept juin, nous
parcourûmes ledit chemin avec une rapidité telle et si grande que le trois
juillet, nous franchîmes le seuil du château ducal de Nantes. Le superbe
château, où les principaux de la Cour logèrent, a l’apparence d’une forteresse,
mais dès qu’on y pénètre, on découvre avec bonheur un palais de la Renaissance [55] . On m’y logea, mais dans une chambre
assez éloignée de celle de Monsieur de Chalais, et comme je m’en étonnais
auprès du cardinal, il me dit qu’il était temps que me fussent épargnées ces
veilles continuelles et qu’en conséquence, il avait placé auprès du grand
maître de la garde-robe d’autres personnes, tout aussi vigilantes que je
l’avais été, mais moins notoirement connues pour leur fidélité au roi.
    J’en fus fort heureux, car si on n’avait pu arrêter jusque-là
Chalais, faute de témoins et de preuves, il allait sans dire que la chose ne
pourrait manquer de se faire, le béjaune étant si babillard. Et je serais bien
aise alors de n’être pas si proche de lui que la Cour pût me soupçonner d’être
la cause de ses malheurs.
    Dès mon premier matin dans le château ducal, et quasiment à
la pique du jour, je voulus me remettre à l’épée, trouvant que mes longues
nuits de veille à Blois m’avaient quelque peu amolli. Je fus fort déçu, en
entrant dans la salle d’escrime, de n’y point trouver les maîtres ès armes
(l’heure étant trop matinale sans doute pour ces messieurs), mais seulement
quelques petits ferrailleurs avec lesquels je ne me souciais guère de me gâter
la main. Noulant toutefois les offenser, je les saluai de loin et, leur
tournant le dos, j’ôtai mon pourpoint et, l’épée en main, je me mis à larder le
mannequin d’exercice, comme si j’eusse désiré m’échauffer, avant l’arrivée de
mon partenaire. Toutefois, il se passa bien dix minutes avant que quelqu’un
pénétrât dans la salle d’armes et ce ne fut pas, comme je l’espérais, le
commandeur de Valençay, mais le comte de Louvigny.
    Il eut l’air si peu surpris en me voyant que je me demandai
tout de gob s’il ne me cherchait pas et en effet, à peine l’avais-je aperçu
qu’il se dirigea vers moi, me salua et me dit d’un air fort poli :
    — Comte, nous nous connaissons déjà de vue : nous
nous sommes rencontrés à Blois. Je suis le comte de Louvigny et j’aimerais
avoir le très grand honneur de faire plus ample connaissance avec vous.
    — Comte, je savais votre nom, comme vous saviez le
mien, dis-je sur le même ton de cérémonieuse politesse, et je tiendrais, moi
aussi, à très grand honneur d’être de ceux qui ont habitude à vous.
    Ayant dit et me trouvant la tête nue, je le saluai de mon
épée. À quoi, il me fit un nouveau salut et dit :
    — Comte, je connais votre réputation l’épée à la main.
M’accorderez-vous le privilège de croiser le fer avec moi ?
    Que pouvais-je faire sinon accepter cette proposition, car
le comte de Louvigny n’était point un de ces coquebins de cour qu’on eût pu
sans conséquence refuser, mais un gentilhomme de bon lieu.
    Acquiesçant de la tête avec un sourire aimable, je revêtis
un plastron, tandis que je regardais du coin de l’œil le comte se déshabiller.
Il avait fort peu à se glorifier dans la chair, étant petit, maigre, estéquit
et fluet, mais il ne manquait pas de

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