Le Lys Et La Pourpre
bien
au-dessus de la vie, la leur et aussi celle des autres.
Le lendemain de cette double exécution, le vingt-trois juin,
le roi donnait aux Tuileries l’eau bénite à la dépouille mortelle de Madame.
Moins d’un an après son mariage, l’épouse de Gaston venait de périr en couches.
Louis ne fut pas sans éprouver quelque pitié pour cet infortuné destin. Mais
quand il apprit le sexe de l’enfantelet qui avait survécu à sa mère, il
s’écria, je ne dirais pas avec joie, mais avec un immense soulagement :
« Tout est fendu ! » Il voulait dire par là que le nouveau-né
était une fille, et non un garcelet, dont la présence en ce monde eût beaucoup
renforcé les ambitions dynastiques de Monsieur. La reine, bien qu’elle n’en dît
rien, éprouva avec plus de force encore, le même sentiment. Dieu merci, elle demeurait
seule en lice pour enfanter le dauphin que le royaume attendait.
Si elle avait eu l’esprit philosophique – mais il
n’était pas certain que notre reine bien-aimée eût cet esprit-là, ni même aucun
autre – elle eût pu alors faire un utile retour sur elle-même et prendre
le temps, peut-être, de nourrir quelque réflexion sur sa violente opposition au
mariage de Monsieur et se demander, par exemple, à quoi diantre avait servi cet
effroyable ébranlement de l’État qu’avaient provoqué ces intrigues infinies,
ces remuements redoutables, cette rébellion aux mille têtes, ces embûches
assassines contre le cardinal, ces menaces sur la vie du roi et, dans son
propre camp, l’arrestation d’Ornano, l’embastillement des frères Vendôme, et
l’exécution de Chalais.
*
* *
Dans le tome de mes Mémoires précédant celui-ci, j’ai
souligné que ce ne fut pas Louis, mais les huguenots qui de 1610 – date de
la mort d’Henri IV – jusqu’à 1627, date à laquelle débuta le siège de
La Rochelle, violèrent à maintes reprises l’édit de Nantes, tant dans l’esprit
que dans la lettre.
Il est bien vrai que les protestants français, pendant un
demi-siècle, avaient été honnis, haïs, persécutés et que ces blessures-là ne se
guérissent pas facilement. Mais dès lors que le bon roi Henri leur eut donné la
liberté de culte et de conscience, ils la voulurent pour eux seuls. En Béarn,
ils ne laissèrent pas les prêtres catholiques, du vivant même d’Henri IV,
recouvrer leurs églises et ils bannirent à jamais la messe. Bien que la
violation de l’édit fût flagrante, Henri, qui était comme amoureux de la petite
patrie de ses enfances, cligna doucement les yeux sur cette écorne, et ne fit
rien.
Henri mort, les huguenots avaient quelques raisons de se
méfier de Marie de Médicis : elle était Habsbourg, papiste, pro-espagnole.
Par bonheur pour eux, la régente était trop occupée à dissiper le trésor de la
Bastille et à racheter, par les pécunes, la fidélité des Grands, pour se mettre
sur le dos une guerre avec les huguenots dont les talents guerriers étaient
redoutables, et sur terre, et sur mer.
Quand Louis épousa une infante espagnole, nos huguenots ne
l’en aimèrent pas plus, encore que le pauvret ne fût pour rien dans ce choix.
Et leur hostilité à son endroit grandit et s’amalit quand Louis le Juste,
appliquant strictement l’édit de Nantes, courut à Pau rétablir par les armes
les prêtres et la messe, mais sans pour autant bannir les pasteurs et leur
culte.
Alors commença, de 1620 à 1627, contre le pouvoir royal,
sept ans d’escarmouches et de rébellions animées par le duc de La Force, le duc
de Rohan et son frère cadet, Monsieur de Soubise. Les huguenots prenaient des
villes au roi, Privas, Nègrepelisse, Saint-Jean-d’Angély, l’île de Ré.
La Rochelle levait des impôts, interceptait ceux du roi,
constituait des milices, élevait des fortifications, chargeait leurs vaisseaux
de canons et pis encore aux yeux de Sa Majesté, recherchait et obtenait
l’alliance des Anglais. Elle visait clairement à créer, avec l’aide étrangère, une
république protestante et indépendante, qui eût échappé au pouvoir du roi de
France.
La paix de La Rochelle, signée en 1626, comportait, entre
autres clauses, la démolition du fort de Trasdon par les Rochelais et la
démolition par le roi du Fort Louis, lequel s’élevait à proximité des remparts
de La Rochelle et abritait une forte garnison royale. Mais tant la méfiance des
deux parts était grande que celle du premier fort fut entamée à un
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