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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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bande avait appartenu à une compagnie mercenaire de cent soldats dont
le capitaine avait loué les services à un huguenot en la dernière de nos
guerres. Mais ce capitaine, une fois remercié et payé, s’était enfui en
emportant la solde de ses hommes, lesquels avaient décidé de se scinder en
trois groupes afin de se mieux nourrir sur le gras du pays. Hans appartenait à
un de ces groupes, lequel était commandé par un certain Brüger, et s’était
illustré par les exploits habituels à ce genre de bande : meurtreries de paysans,
forcements de filles, incendies de chaumines, destructions des arbres fruitiers
et du bétail.
    Si franc que jusque-là Hetzel ait été, il refusa pourtant
tout net de me dire où cantonnait la bande dont il faisait partie.
    — Monsieur le Comte, dit-il en se redressant de toute
sa hauteur, un bon soldat ne doit pas trahir son chef.
    — Sauf, Hans, quand son chef est le plus sanguinaire
des bandits de la création.
    — Je ne sais, dit Hetzel. Se peut que, même alors, un
bon soldat doit obéir à son chef.
    — Par malheur, dis-je, si ce bon soldat ne me dit pas
tout ce qu’il sait, il ira se balancer au bout d’une corde et c’est pitié, car
le mauvais chef ne saura même pas que le bon soldat lui a si stupidement obéi.
    — Monsieur le Comte, est-ce que vraiment cela va se
passer comme ça ? dit Hetzel, sa bonne face naïve ruisselant de sueur.
    — Assurément. Et cela me fait peine, Hans, car si tu
m’avais dit la vérité, je t’aurais pris dans mon domestique, vu ta jeunesse et
ta force.
    — Monsieur le Comte, vous m’auriez pris dans votre
domestique ?
    —  Sicher.
    Je dis «  sicher  » plutôt qu’ «  assurément  »
car il me sembla que «  sicher  » en allemand était beaucoup
plus coupant. Là-dessus, sans rien ajouter, je tournai les talons et allai vers
la porte.
    — Monsieur le Comte ! Monsieur le Comte !
cria Hetzel en courant après moi, si je me tais sur leur repaire, vous me
pendrez ?
    —  Sicher.
    —  Monsieur le Comte, ils sont cantonnés à
Richebourg au nord de Houdan.
    Le lendemain, j’envoyai Saint-Clair porter une lettre-missive
au gouverneur de la province et cinq jours plus tard, une cinquantaine de
gardes à cheval enveloppa les reîtres dans un bois près de Richebourg et, sans
tirer un coup de feu, les captura. On ne les pendit pas, comme Monsieur de
Peyrolles le souhaitait. Le cardinal de Richelieu avait trop besoin de
galériens pour armer les navires qu’il achetait de tous côtés pour faire pièce
au remuement des huguenots de La Rochelle.

 
CHAPITRE III
    Ayant, à mon retour au Louvre, conté ma râtelée au roi de cette
attaque des reîtres allemands, laquelle faillit d’un cheveu être fatale à
Saint-Clair, à Peyrolles et à moi, je vis, à mon extrême étonnement, Louis
s’intéresser, j’oserais dire se passionner pour mes sûretés. Il me questionna
sur la façon dont le chemin qui venait de Montfort l’Amaury se raccordait à la
grande voie de mon domaine et me commanda de faire un croquis des lieux, afin
qu’il eût une idée plus claire de ce croisement. Berlinghen, sur son
commandement, m’ayant apporté une écritoire, je m’exécutai. Et ayant étudié ce
plan, dès que je l’eus fini, le roi me prit alors la plume des mains et, en
quelques traits, dessina avec une émerveillable adresse un châtelet d’entrée à
l’endroit où le chemin donnait l’entrance à la voie principale de mon domaine.
Cela fait, il flanqua ce châtelet à dextre et senestre de longs murs.
    — Il n’est pas nécessaire, dit-il, que les murs soient
hors échelle. Il suffit qu’ils soient hauts assez pour qu’un cavalier ne les
puisse sauter, un homme à pied se hasardant moins volontiers de l’autre côté
d’un mur, ne sachant s’il y va trouver pièges et chausse-trappes. Votre mur, de
chaque côté du châtelet d’entrée, doit s’arrêter sur des obstacles
infranchissables comme des rochers ou des fourrés épineux. De force forcée,
votre châtelet d’entrée doit être muni en son centre d’une herse et d’un
portail et occupé jour et nuit par deux ou trois gardiens qui se relaient et
qui seront les plus fiables des ribauds qui se puissent trouver sur votre
domaine. Comme disait si bien mon père, « il n’est bons murs [12] que de bons hommes ».
    Louis parut si heureux d’avoir cité son père et, à la
réflexion, si content d’avoir fait ce croquis (qui lui ramentut

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