Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
l’affaire d’Amiens,
n’avaient pas changé. L’Espagne ne laissait pas d’être, pour l’Angleterre, tout
aussi redoutable, et le Palatinat, dépecé, était toujours aux mains des alliés
de l’empereur d’Allemagne. Seule, l’humeur de Buckingham avait varié. Sa petite
pique personnelle contre Louis l’emportait maintenant sur les grands intérêts
de l’État dont il était le ministre. Il prit et fit prendre par Charles I er une décision proprement incroyable : il changea de camp tout soudain et,
réunissant une flotte considérable, il se porta contre son allié français au
secours des huguenots rebelles de La Rochelle, son intervention jetant Louis,
ses bateaux et ses armées dans le plus grand péril. À cause petite et puérile
répondaient donc de grands effets. Une reine imprudente, un séducteur déçu et
le royaume de France se trouvait aux prises avec une armada terrifiante mais la
Dieu merci, pas plus invincible que celle qui avait attaqué autrefois la reine
Élisabeth I re , mais j’anticipe et le temps n’est pas encore venu,
loin de là, d’en dire ma râtelée.
     
    *
    * *
     
    Belle lectrice, il se peut qu’en quelque coin, ou recoin
romanesque de votre cœur, vous vous sentiez déçue par la piètre figure que
taille en ces pages le duc de Buckingham, car ce n’est point ainsi que le
décrit à l’accoutumée l’imagination populaire qui, dès lors qu’il s’agit d’un
duc et d’une reine, s’abreuve aux songes davantage qu’à la réalité. Cependant,
quoi que vous en ayez, soyez bien assurée que mon récit est basé sur
d’inattaquables témoignages, ce dont ne peuvent se targuer les contes qui ont
flatté vos rêveuses enfances. Non que je fasse fi de ces séduisantes fallaces,
où j’ai moi-même pris tant de plaisir jadis. Mais il y a un temps pour
tout : un temps pour rêver et un autre – beaucoup plus avant dans la
vie – pour trouver une grande satisfaction de l’esprit et peut-être aussi
un grain de sagesse dans la vérité des faits.
    Peu de temps après mon bec à bec avec Monsieur de Putange,
j’eus l’occasion d’encontrer Fogacer que je n’ai plus à vous présenter puisque,
contemporain de mon père, il est apparu plusieurs fois et dans ses Mémoires et
dans les miens. Septuagénaire comme le marquis de Siorac, et comme lui vert et
gaillard, son cheveu est meshui plus sel que poivre. Et sa longue silhouette
arachnéenne a pris aussi quelque rondeur, sans que soient entamées en rien la
vitalité de son corps et l’acuité de sa cervelle.
    Il a changé prou en son âme et ses conduites depuis les
temps où il était à l’École de médecine de Montpellier le commensal de mon
père. Bougre et athée en ses vertes années et par conséquent courant grand
risque d’être réduit en cendres sur un bûcher, il est revenu, en ses années
plus mûres, à des mœurs plus pures et à la religion de nos pères. Poussant
cette conversion plus loin encore, il s’est fait prêtre et avançant vite et
grandement en cet état en raison de ses grands talents, il est à ce jour
chanoine en Notre-Dame de Paris et conseiller secret du nonce, si tant est que
ce secret ne soit pas, en l’Église du moins, il segreto di pulcinella [18] .
    Il ne s’était pas passé huit jours depuis que j’avais
recueilli Monsieur de Putange en mon hôtel de la rue des Bourbons et eu avec
lui cet entretien que j’ai conté plus haut, quand j’encontrai Fogacer chez mon père
rue du Champ Fleuri dont il était l’hôte au moins une fois par semaine. On y
parla de choses et d’autres et notamment du châtelet d’entrée que le roi
m’avait conseillé de construire, à l’endroit où la voie principale de mon
domaine débouche sur le grand chemin qui mène à Montfort l’Amaury. Et le
lecteur sait déjà que pendant mon séjour à Orbieu, j’avais passé le plus clair
de mon temps à tâcher de déterminer le lieu le meilleur pour le construire et
aussi le coût de la construction, hésitant encore à dégarnir mon escarcelle
pour garnir ma seigneurie d’une fortification qui, tout utile qu’elle me
paraissait être, serait toutefois unique dans mon voisinage.
    — Raison de plus ! dit le chanoine Fogacer avec
son lent et sinueux sourire, et un petit brillement malicieux de son œil
noisette. Raison de plus ! Votre châtelet d’entrée vous sera à grand
honneur dans votre province et vous serez si heureux d’apprendre à Louis que
vous l’avez à la

Weitere Kostenlose Bücher