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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ferai.
    À y songer plus outre, cela me griffa le cœur que la
pauvreté eût chassé ces hommes de leurs montagnes suisses et qu’ils fussent
contraints, en exil, de se battre et parfois de perdre la vie, à seule fin de
la pouvoir gagner.
    — Capitaine, dit mon père, je suis docteur médecin de
l’École de médecine de Montpellier et si mon fils, le comte d’Orbieu, y
consent, je serai des vôtres afin de donner à vos blessés les premiers soins.
    — Monsieur mon père, dis-je, froidement assez, vous me
prenez sans vert. Je ne me proposais pas de vous demander de m’accompagner.
    — Messieurs, dit Hörner de sa voix basse et posée, je
vous laisserai débattre ce point entre vous au bec à bec. Peux-je dire
cependant, Monsieur le Comte, que la présence d’un Révérend docteur médecin parmi
eux conforterait beaucoup mes hommes, car ils ont souvent vu des blessés mourir
faute des premiers soins.
    — Je vais y penser, dis-je.
    Et je commençai à discuter avec Hörner de l’armement de ses
hommes. Il accorda aussitôt que chaque Suisse, outre son mousquet, porterait
deux pistolets et une pique et il ajouta :
    — J’emporterai aussi quelques pétards de guerre. Si on
dresse contre vous une barricade en travers du chemin, un ou plusieurs pétards
de guerre – du genre qu’on emploie pour exploser les portes des villes
assiégées – seraient excellents pour détruire l’obstacle et ceux qui
s’abritent derrière lui à seule fin de faire feu sur vous.
    — C’est bien pensé. Au cas où il y aurait un combat qui
tournerait à notre avantage, Capitaine, que voulez-vous comme picorée ?
    Hörner parut surpris qu’un seigneur de mon importance ne
laissât pas à son majordome le soin de discuter de ce point. Mais en ce qui me
concerne, je tenais beaucoup à le faire, me ramentevant les exigences
démesurées de mes manants après l’attaque des reîtres allemands et je désirais
par-dessus tout éviter toute disputation entre les Suisses et moi après le
chaud de la bataille.
    — Eh bien, c’est simple, Monsieur le Comte, les chevaux
pour vous et les armes et les vêtures pour nous. Cependant, Monsieur le Comte,
je dois vous avertir qu’au contraire des gentilshommes qui, au combat, évitent
toujours de tuer les montures de l’adversaire, nous agissons tout au rebours.
Ce n’est pas que nous n’aimons pas les chevaux, et les nôtres en particulier,
mais nous tenons pour nos ennemis ceux que montent nos assaillants. Et d’autant
qu’un cavalier sans sa monture est comme un marin déboussolé : il perd
toute ardeur à se battre.
    — Si je vous entends bien, dit soudain mon père, vous
aurez comme picorée les armes, les vêtures, et nous, les chevaux morts.
    Cette saillie me fit rire à gueule bec et Hörner aussi,
preuve qu’il était bon compagnon et capable aussi de faire la part du feu dans
un barguin, comme il le prouva aussitôt incontinent.
    — Monsieur le Comte, puisque vous ne vous contentez pas
des chevaux, prenez les vêtures et nous garderons les armes.
    — Eh bien, prenons les vêtures, dit mon père.
    — Tope, dis-je aussitôt, entendant bien que mon père
n’avait opté implicitement pour les vêtures que pour ne pas les prendre, ne
voulant pas qu’on nous accusât d’avoir dépouillé les cadavres comme des
brigands de grand chemin.
    On dira peut-être que dans ce débat nous vendions la peau de
l’ours avant de l’avoir tué. Mais en fait, ce barguin avec les Suisses loués
était coutumier.
    — Monsieur le Comte, reprit Hörner, à quelle heure
demain, voulez-vous que nous soyons à vos ordres céans ?
    — Quatre heures du matin.
    — Douze de mes Suisses et moi-même seront là demain à
s’teure.
    — Douze seulement ?
    — Si l’hôtel de Monsieur le Marquis est surveillé,
comme je pense qu’il l’est, vaut mieux que vous paraissiez départir avec votre
escorte habituelle. Le reste de mes Suisses vous attendra à la porte de Bucci.
    — Pourquoi à la porte de Bucci ?
    — Parce qu’elle ne sera pas surveillée, l’adversaire ne
s’attendant pas à vous voir sortir par cette porte, pour gagner Fontainebleau.
Une chose encore, s’il vous plaît, Monsieur le Comte. Votre cocher habituel ne
pourra pas conduire votre carrosse. Il y faudra deux de nos hommes, car en cas
de combat, le cocher est très exposé et c’est en outre à lui de lancer du haut
de son siège la plupart des pétards de guerre contre les

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