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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marianne Leconte
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La pièce était vaste, correctement meublée, plutôt agréable pour toute jeune fille qui acceptait de passer sa vie dans un couvent.
    Ce n’était pas son cas.
    Le monastère d’Arkosch ne lui était pas inconnu. Avec sa marraine, elle était souvent venue y rendre visite à des relations. L’abbesse, une vieille dame agréable, était une cousine éloignée de sa famille. Par bonté pour les demoiselles qu’on lui confiait, souvent contre leur gré, elle avait obtenu de son évêque la permission de revenir à la Règle Mitigée, plus douce que la Règle Primitive qui exigeait pauvreté, silence, prière et travail manuel.
    Quelques années auparavant, une bataille féroce avait déchiré les communautés religieuses. Les carmélites volontaires exaltées par une foi intense étaient prêtes à tous les sacrifices. Mais le pape d’alors, conscient que de nombreux monastères servaient de refuges à des jeunes filles sans avenir, avait signé la bulle de Mitigation. À demi cloîtrées, les religieuses avaient le droit de garder leurs vêtements laïques et de recevoir des visites extérieures à condition que cela ait lieu dans une grande pièce commune.
    Le parloir ressemblait davantage à un salon mondain qu’à un lieu de recueillement. Les mauvaises langues se régalaient des dernières rumeurs de la Cour. Isabeau n’y avait pas rencontré de nonnes recueillies mais des jouvencelles nobles, puériles et bavardes ou de vieilles coquettes trop poudrées qui se comportaient comme des gamines. Leurs rires étouffés résonnaient encore à ses oreilles. Voilà le genre de vie qui l’attendait désormais. Travaux d’aiguille, prières et minauderies.
    Soudain elle entendit des bruits de pas. Quelqu’un s’arrêta devant sa porte, puis glissa la grosse clé de fer dans la serrure. Le cœur battant, Isabeau se demanda qui pouvait venir la voir en pleine nuit. Elle espéra un moment que son oncle, mis au courant de sa séquestration, venait à son secours. Son espoir s’évanouit en voyant un prêtre encore jeune pénétrer dans sa chambre. L’air patelin d’un chat mais l’œil vif sous la paupière tombante, il avait tout de l’abbé de Cour, habitué à flatter les riches douairières.
    — Bonjour, doña Isabeau. Je suis le confesseur de ce couvent. Étant absent à votre arrivée, je viens vous souhaiter la bienvenue. Je sais que les premières heures sont difficiles pour les nouvelles pensionnaires. Je peux vous aider à vous adapter.
    Jamais je ne m’adapterai, hurla intérieurement Isabeau. Et ce n’est pas un homme comme vous qui me fera changer d’avis. Je vous connais, vous, les confesseurs de nonnes, entrés en religion par obligation, parce que vous n’aviez d’autres choix. Votre frère aîné a hérité du domaine familial, le suivant a choisi le métier des armes. À vous, il ne restait que le giron de l’Église, une vie sans famille, sans femme et sans enfants. Enfin, officiellement. Je vous vois venir avec votre air patelin, vos mines chafouines et votre gentillesse écœurante. Vous vous moquez de mes sentiments, de mon bien-être, de mon avenir. Ce qui vous intéresse est plus trivial. Quel beau rôle : consoler une jeune fille éplorée, devenir son confident, la dorloter puis la mettre dans son lit. Voilà à quelle engeance vous appartenez. Sauf que, dans mon cas, je ne ressemble pas à une jeune fille mais à un jeune homme. Cela n’a pas l’air de vous contrarier. Mais puisqu’ils m’ont envoyée dans un couvent de filles, je vais utiliser une arme de filles.
    Lui dédiant un sourire timide, elle soupira :
    — Je meurs de soif et de faim. L’Inquis…
    Embarrassée par son faux pas, elle baissa les yeux comme pour ce repentir de cette mauvaise pensée, puis enchaîna :
    — Je n’ai rien avalé depuis midi, et je me sens défaillir.
    Elle vit que sa demande rassérénait son interlocuteur. Il ne pensait pas être si bien accueilli. Il avait dû avoir connaissance des injures lancées par la jeune révoltée à son arrivée. Tout sourire, il s’empressa de répondre :
    — Nous allons soigner votre faiblesse par une petite collation. Je n’ai pas mangé ce soir et, si vous le permettez, je serai ravi de partager votre repas. Ainsi, nous ferons connaissance.
    D’un pas rapide il s’en alla vers les cuisines, non sans avoir refermé à clé la porte de sa cellule. Avenant mais prudent.
     
    Tout en grignotant du bout des doigts pétales de jambon et de

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