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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marianne Leconte
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longue chevelure blonde, en fit une tresse qu’elle coupa difficilement avec ses ciseaux à ongles. Le miroir lui renvoya une image désastreuse. Elle passa la main dans ses cheveux hirsutes, essayant en vain de les domestiquer. Le temps s’écoulait – lequel ? aurait demandé saint Augustin – cette pensée l’amusa. La robe du moine lui allait bien. Elle bâillonna le dormeur avec un de ses châles et lui emprunta son trousseau de clés. Un bref inventaire de ses coffres lui permit de retrouver ses dagues soigneusement dissimulées dans une boîte à poulaines. Elle les glissa dans les bottes en cuir souple qu’elle chaussait pour monter à cheval. Puis elle empaqueta quelques affaires, rafla la couverture qui couvrait son lit, s’empara des provisions qui restaient, sans oublier la gourde d’eau fraîche mise à sa disposition par l’une des nonnettes du couvent à son arrivée. Avant de sortir dans le couloir, la nouvelle pensionnaire rabattit la capuche de bure sur sa tête, et prit la poudre d’escampette en ayant soin d’enfermer son sauveur à double tour.
     
    Les couloirs étaient vides ; Isabeau arriva sans problème devant la grille du cloître. Comme elle l’avait deviné, le prêtre en avait la clé. La gardienne devait avoir l’habitude des allées et venues du confesseur, elle ne se montra pas. Contournant l’église, la fugitive se dirigea rapidement vers les communs. Sa jument l’accueillit avec un silence complice, mais son œil brillait. Isabeau la guida doucement vers le portail de bois qui permettait de quitter les murs du monastère. Une fois encore elle trouva la bonne clé dans le trousseau du confesseur. Dès qu’elle fut dehors, elle sauta sur son cheval et s’enfuit vers l’est, en direction du couvent de son oncle qui se situait à environ six heures de cheval d’Arkosch de la Frontera.
    La peur lui donnait des ailes. La volonté d’échapper à son sort lui faisait oublier la fatigue. Au lever du jour, le corps endormi du prêtre serait découvert et la chasse commencerait.
    Pour gagner sa destination, elle avait le choix entre la voie pavée qui serpentait en terrain plat le long de lacs et de rivières ou emprunter des chemins de contrebandiers, plus escarpés et plus dangereux. Les montagnes étaient infestées de brigands et d’assassins, mais le souvenir de sa cellule lui glaça les sangs. S’ils la trouvaient, les gens d’armes de la Santa Hermandad la ramèneraient sans ménagement dans sa geôle. Pas les bandits ! Cette pensée eut raison de ses dernières hésitations. D’ailleurs, qui irait imaginer qu’une jeune fugitive se lancerait seule dans des contrées à risques ?
    La nuit était claire, illuminée par une lune presque ronde, couleur d’argent. Sa brillance éclipsait les étoiles, éclairait les paysages et dessinait par endroits de sombres silhouettes immobiles. À bride abattue, elle franchit l’orée de la forêt et s’enfonça dans les sous-bois. Quand elle fut sûre d’être à l’abri des regards, elle ralentit et mit sa jument au trot pour la ménager.
    En chevauchant sur le sentier qui grimpait vers les contreforts des montagnes, le visage empourpré de rage de l’Inquisiteur lui apparut. De bonne humeur, elle se pencha sur l’encolure de sa monture pour lui susurrer des mots de réconfort. Isabeau réalisa alors l’ironie de la situation. Elle s’enfuyait d’un couvent pour se réfugier dans un autre. Mais la chartreuse de Santo Domingo n’accueillait que des hommes qui avaient choisi leur destinée. Le prieur, son cousin, lui donnerait les contacts nécessaires pour quitter l’Espagne. Soudain, elle fut submergée par la tristesse. L’exil était une notion nouvelle et irréelle. Sa fuite avait été irréfléchie, un concours de circonstances, une opportunité saisie au vol. Où irait-elle ? Le royaume de France était l’allié des Rois Catholiques. Trop dangereux, trop proche ! Le Saint Empire romain germanique ? Elle n’y avait ni amis ni famille, que ce soit dans les Flandres, en Autriche, en Germanie ou en Hongrie. Le royaume de Britanny était à feu et à sang, en proie une fois de plus à des guerres de succession. Quant à ses cousins romains, ils s’étaient réfugiés en Aragon en 1483 quand les Arabes s’étaient emparés de l’Italie.
    L’avenir lui parut soudain très sombre.

4
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    — P ESTE SOIT DE CET ASTRE LUMINEUX  ! Grommela Pedro. Une nuit d’encre eût été

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