Le Manuscrit de Grenade

davantage. Sans cesser de l’embrasser avec fougue, elle posa une main sur son bas-ventre, défit la cordelette qui maintenait ses hauts-de-chausses, libéra son sexe douloureux, et se mit à le caresser. De l’autre main, elle se débarrassa de sa robe et apparut dans toute sa nudité. Il n’eut pas le temps de l’admirer, elle s’allongea sur lui, ventre contre ventre, pubis contre pubis, et se mit à onduler avec douceur en ronronnant. Pedro gémit de plaisir et de douleur ; aurait-il la force de résister à un tel assaut ? « Rappelle-toi d’elle enfant. Il s’agit de la jolie fillette rousse qui te faisait rire et fondre, déjà, quand elle venait livrer ses herbes au palais. » Il ne pouvait la prendre comme ça dans une auberge abandonnée, comme une de ces filles de joie qui suivent toutes les armées du monde. Pas elle, pas la flamboyante Myrin.
    Tous ses efforts furent réduits à néant quand elle se redressa pour s’asseoir. Elle rejeta la tête en arrière, cambra la taille lui offrant la vue de ses seins magnifiques, de sa taille fine, de son ventre légèrement bombé. Subjugué, il poussa un cri plaintif, posa ses larges mains sur ses hanches arrondies, la souleva et la posa sur son vit dressé à la verticale ; elle s’en saisit et le guida vers l’intérieur, chaud et moite. Toute réserve abolie, avec un grondement sourd, il la pénétra et perdit aussitôt toute notion de lieu et de temps. Les mains sur ses seins, il allait et venait en elle, grisé par ses gémissements et son visage extasié. La jouissance les emporta en même temps, si forte qu’ils s’assoupirent presque instantanément.
     
    Au petit matin, un vacarme infernal réveilla les fugitifs. Encore marqué par les souvenirs de sa nuit agitée, Pedro se leva d’un bond, regarda autour de lui avec anxiété puis avec effarement. Il ne subsistait rien des agapes de la veille ; tout avait disparu, les bougies, la nappe, la vaisselle, les reliefs du repas. Soulagé, il comprit qu’il avait rêvé. Heureusement qu’il ne s’était rien passé. La suite du voyage aurait été un cauchemar. Quel fou il était ! Myrin était si jeune. Pourtant en évoquant les caresses échangées, il ne pouvait empêcher son corps de réagir vigoureusement.
    Claquements de sabots et roues grinçantes : des voyageurs approchaient. Il jeta un coup d’œil à sa compagne qui émergeait péniblement. La robe rouge des filles de joie était redevenue une modeste chemise blanche portée sur une longue jupe bleu pervenche ; quant au corset à manches courtes qui protégeait sa chemise, il lui comprimait si fort la poitrine, qu’elle semblait plate comme une planche à pain. Ce qui était faux, Pedro en était convaincu.
    Trop ensommeillée pour s’apercevoir de l’attention que son guide lui portait, Myrin s’assit, se frotta les paupières, ajusta son châle sur ses épaules puis lui sourit d’un air complice. Un instant Pedro eut l’impression qu’elle était au courant de ses fantasmes nocturnes. S’était-il trahi ? Avait-elle été la proie de rêves érotiques ? À moins qu’elle ne fût une sorcière, une vraie, et dans ce cas… Le bruit se rapprochait. Cela lui évita de dangereuses pensées.
    D’un signe de tête, il lui montra l’extérieur. Prudents, ils évitèrent de se pencher à la fenêtre, préférant regarder par les trous qui s’étaient formés entre des pierres descellées. À l’orient, un mince croissant solaire auréolait de rouge la crête d’une montagne dénudée.
    Une carriole tirée par une belle mule grise venait de s’arrêter devant l’auberge. Sur le siège, un moustachu enturbanné à la mine renfrognée et une adolescente recroquevillée sur elle-même. Un voile diaphane couvrait sa chevelure d’ébène. Son teint avait la couleur du miel. Sa robe richement brodée était recouverte d’un long manteau en soie blanche cousue de fils d’or. Tous ces détails prouvaient qu’il s’agissait d’une musulmane de bonne famille.
    L’homme sauta de son siège, et, sans ménagement, fit descendre sa passagère qui se débattait.
    Les deux fugitifs se regardèrent.
    — Que fait-elle dans ce lieu perdu ? chuchota Myrin.
    — Et surtout en compagnie d’un tueur… compléta le soldat.

5
    Rencontres
    M ORDU À LA MAIN PAR DE JEUNES CANINES AFFÛTÉES , Youssouf poussa un cri de douleur. D’un geste brutal, il projeta sa prisonnière sur la terre caillouteuse. Yasmin se releva aussitôt