Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marianne Leconte
Vom Netzwerk:
finissions sur le bûcher ?
    Le visage de Yasmin s’empourpra. D’une voix tremblante, elle murmura :
    — Je suis désolée. Je voulais juste me rendre utile. C’est toi qui as raison.
    Devant la mine catastrophée de la gamine, sa colère s’évanouit. Élevée dans un palais, cette jeune princesse n’était jamais sortie sans chaperon et ne connaissait rien du monde extérieur où le destin l’avait projetée brutalement. Rejetée par les siens, sans doute promise à un avenir peu reluisant, elle se comportait avec courage sans jamais se plaindre. Myrin eut honte de sa mauvaise humeur.
    — Bon ! N’en parlons plus. Mais la prochaine fois, réfléchis avant de parler ou d’agir.
    Elle repartit d’un bon pas sans voir le sourire ironique de l’adolescente.
     
    Isabeau était sous le charme. La reine avait la réputation d’être une cavalière émérite, capable de monter les chevaux les plus fougueux et de chasser le daim comme un homme. On disait même qu’elle avait tué un ours avec pour seule arme un épieu. Tous ceux qui l’approchaient étaient fascinés par sa vitalité, son énergie et sa beauté
    En 1469, la mère d’Isabeau avait assisté au mariage d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon. Par la suite, elle lui avait souvent conté la magnificence des noces royales. La personnalité de la princesse l’avait tellement impressionnée qu’elle avait décidé d’appeler sa première fille Isabelle. Hélas, dès ses premiers pas, son grand-père l’avait surnommée Isabeau en mémoire d’une parente, Isabeau de Bavière, devenue reine de France par son mariage avec Charles le Fol. Une union bénie par la naissance de douze enfants mais qui s’était terminée en tragédie à cause du bal des Ardents.
    Pour fêter le troisième mariage de Catherine, sa meilleure amie, Isabeau la Bavaroise avait organisé un charivari. Une coutume alors à la mode, une sorte de parodie de cérémonie religieuse pour se moquer des mariages mal assortis ou des remariages. La noce dura deux jours pendant lesquels les musiciens firent beaucoup de bruits discordants avec des ustensiles de cuisines, des claquoirs, des crécelles. Lors d’un charivari l’harmonie était proscrite. Les festivités se terminèrent par un grand bal où se pressait toute la cour de France. Pour s’amuser, le roi et quatre de ses compagnons décidèrent d’effrayer les invités en jouant les sauvages. Enduits de poix, couverts de plumes et de poils d’étoupe, enchaînés les uns aux autres, ils déambulèrent en dansant et en hurlant au milieu des danseurs. Le frère du roi, une torche à la main, s’approcha trop près des seigneurs déguisés qui s’embrasèrent. Il n’y eut pas de survivants. Devenue veuve, Isabeau fut nommée régente du royaume de France et régna longtemps car de ses douze enfants, aucun ne survécut.
    Je me demande quels souvenirs ont influencé mon grand-père, songea Isabeau en contemplant sa souveraine. J’aurais préféré garder mon prénom de naissance.
    La reine était vraiment magnifique, une femme hors du commun que la descendante déshéritée des Jerez contemplait avec admiration, envie et méfiance. Méfiance car c’était une fanatique religieuse, proche de Torquemada le nouveau pape, et des légions de l’Inquisition.
    À dix-neuf ans, Isabelle de Castille avait épousé par amour son cousin Ferdinand d’Aragon. Mariage bénéfique pour l’Espagne puisqu’il mettait fin à des guerres sanglantes entre les deux États. Pourtant certaines rumeurs l’accusaient d’être une intrigante obsédée par le pouvoir, capable de ruse et de cruauté pour parvenir à ses fins. N’avait-elle pas persuadé son frère Henri IV de Castille de déshériter à son profit sa fille unique, une bâtarde certes, mais de son sang ? À la mort du roi, les partisans de l’héritière légitime avaient déclenché une guerre civile qui avait mis le royaume à feu et à sang. Les armées d’Isabelle, alliées à celles d’Aragon, n’avaient laissé aucune chance aux troupes de sa nièce reléguée désormais dans un couvent.
    Protégée du soleil par un immense dais de toile, Isabelle de Castille trônait sur un fauteuil doré, au milieu de ses courtisans. Vêtue d’une robe en soie verte dont le décolleté carré mettait en valeur une grande croix ornée de pierres précieuses, elle souriait tout en observant son entourage de ses grands yeux bleu porcelaine. Ses cheveux blonds et

Weitere Kostenlose Bücher