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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marianne Leconte
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trente portes que surveillent nuit et jour des centaines de sentinelles.
    Une face de musaraigne acquiesça d’un air dubitatif avant de s’écrier d’une voix aussi pointue que son museau :
    — Carmen a raison ! Où est la preuve ? Au moins le chevalier Ramirez, lui, on l’a vu revenir avec la tête du Maure qu’il avait tué en combat singulier.
    Ses petits yeux d’oiseaux fixaient avec malveillance la jeune admiratrice, la mettant au défi de répondre. Celle-ci trouva pourtant la parade :
    — Ses compagnons ont juré sur la Bible que Pérez del Pulgar avait tenu sa promesse.
    Cette remarque cloua le bec aux commères peu désireuses d’être traitées de mécréantes.
    — Sait-on quel chemin il a emprunté ? demanda brusquement une voix mélodieuse qui tranchait avec la langue rude des lavandières.
    Myrin frémit. Toutes les têtes se tournèrent vers l’inconnue basanée qui ne ressemblait pas à une servante. En s’apercevant qu’elles avaient affaire à une Mauresque, les femmes se redressèrent pour converger vers l’intruse. Yasmin sauta sur ses pieds et lança un coup d’œil inquiet à sa protectrice.
    — Une saleté d’Arabe s’étrangla la grassouillette d’un air outré. Que fait-elle ici ?
    — Une fille à soldats, vu ses frusques, glapit le hareng saur desséché en crachant par terre.
    — Quel culot de venir laver ses nippes crasseuses au milieu de lavandières respectables, renchérit la musaraigne de sa voix suraiguë.
    Irritée par l’inconscience de sa compagne, la guérisseuse cherchait une idée pour les tirer d’affaire sans se servir des pouvoirs de sa bague. Pedro avait interdit à Yasmin d’utiliser son don, elle ne pouvait, pour les mêmes raisons, utiliser la magie. Elle avait beau se triturer l’esprit, aucune idée ne lui venait. Les mégères se rapprochaient dangereusement, leurs larges battoirs à la main.
    Prise de panique, Myrin apostropha l’adolescente amoureuse de Pérez del Pulgar :
    — Ne pense plus à ce beau jeune homme. On dit que nous ne sommes guère à son goût, nous les femmes.
    La réaction de la jeune fille fut à la hauteur de sa déception : elle se leva, furibonde, les mains sur les hanches en s’écriant :
    — Des mensonges ! Elle apostropha ses consœurs : dites-lui, vous autres, qu’il n’est pas comme les Maures.
    Plissant ses petits yeux porcins, la grassouillette regarda Myrin et dit d’un ton étonné :
    — Comment que tu sais ça, toi la nouvelle ?
    — J’ai entendu des soldats ricaner en citant le nom de votre héros. Il y en a même un qui affirmait que c’était pas la première fois que le Pérez il entrait en douce dans Grenade et que les fois précédentes, c’était pas pour planter son dard dans la porte de l’église.
    — Sacrilège ! s’écria le hareng saur.
    — Si c’est vrai, il mérite le bûcher acquiesça la musaraigne.
    — Il n’est pas marié, et ça, à son âge, c’est louche admit la dénommée Carmen.
    Une voix raffinée s’éleva du rocher qui servait de siège à l’intendante :
    — Pérez del Pulgar est l’amant d’une suivante de la reine. S’il n’est pas marié, c’est parce que sa mie a un époux. Alors arrêtez de commérer et reprenez le travail.
    — Tout ça, c’est la faute aux étrangères. Des espionnes arabes qui sont venues salir la réputation de notre héros pour se venger, maugréa la jeune amoureuse.
    Les lavandières se tournèrent de nouveau vers elles et formèrent un cercle qui se resserra peu à peu, les emprisonnant. Nous voilà revenues au point de départ, songea Myrin découragée. Elle allait se décider à caresser sa pierre de lune quand une suave odeur de rose se répandit dans l’atmosphère. Les faces haineuses des mégères se détendirent et un sourire amical flotta bientôt sur toutes les lèvres. Même en sachant que ce revirement était imputable à la magie, Myrin dut s’avouer qu’elle se sentait merveilleusement bien, et prête à aimer son prochain.
    Sans attendre, elle rassembla le linge, saisit l’une des anses de la panière, tandis que l’adolescente s’emparait de l’autre puis toutes deux s’éloignèrent en marchant à grandes enjambées. Quand elle eut retrouvé son calme, Myrin s’exclama :
    — Tu es folle ! Je t’avais dit de te tenir à l’écart.
    — Je contrôlais la situation.
    Furieuse, Myrin s’arrêta pour fixer sa compagne d’un regard noir :
    — Tu veux que nous

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