Le Maréchal Berthier
commandement, Napoléon le nommait général en chef de toutes les armées d'Espagne, décision d'autant plus aberrante lorsqu'on connaissait l'incapacité du roi à remplir une telle fonction tandis qu'il allait au contraire s'imaginer apte à remplir ce rôle.
Berthier reçut l'ordre de prévoir l'arrivée à Mayence du nouvel état-major général pour la première quinzaine de mars. Les effectifs qui allaient composer cette armée avaient de quoi donner le vertige, mais si rodé qu'il fut, l'état-major général n'avait jamais eu à organiser la logistique nécessitée par une masse pareille. L'empereur s'en montrait très fier mais ne voulait pas connaître la complexité du problème. Toutes armes confondues, l'armée comptait 350 000 Français, mais parmi eux il y avait près de 80 000 étrangers venant de pays récemment annexés comme l'Italie ou la Hollande et 296 000 hommes de troupes véritablement étrangères comme des Bavarois, des Espagnols, des Danois ou des Prussiens. S'y ajoutaient les 30 000 Autrichiens du prince de Schwarzenberg qui avaient demandé à faire l'objet d'un décompte à part. On pouvait avoir des doutes, et Berthier n'y manquait pas, non pas sur la valeur intrinsèque de ces « alliés » mais sur leur ardeur à vouloir combattre et mourir pour un souverain qu'ils détestaient. Le nombre d'actes de pillage, d'insubordination sans parler des désertions, fut incroyablement élevé chez ces soldats si bien qu'en fait, tout l'effort de la campagne allait porter sur les Français qui, du reste, au moment de l'entrée à Moscou ne seraient plus que 93 000.
En face de cette masse de 600 000 hommes dont l'hétérogénéité n'était pas un des moindres soucis de Berthier, l'armée russe pouvait paraître chétive. Elle n'alignait qu'un peu moins de 240 000 hommes articulés en trois grandes unités d'importance inégales. L'infanterie comptait 180 000 soldats, la cavalerie 40 000 et les irréguliers (cosaques) 19 000. Mais avec ses 1 600 pièces, son artillerie était plus importante que celle des Français qui n'en alignaient qu'un millier. De plus, composée exclusivement de Russes fortement motivés à défendre leur patrie, elle présentait une cohésion qui n'était pas à négliger. D'ailleurs, l'intention de son commandant en chef, le prince Barclay de Tolly, qui avait également pris la tête de la première armée, était de ne pas accepter de bataille et de céder tout le terrain nécessaire pour épuiser les assaillants. Une telle stratégie n'était pas nouvelle pour les Russes. Ils l'avaient jadis appliquée avec succès contre le roi de Suède, Charles XII, du temps du tsar Pierre le Grand. Pour sa part, Alexandre I e se déclarait prêt à reculer, si nécessaire, jusqu'au Kamchatka. Grâce à son service de renseignements, Berthier était assez bien au courant des intentions des Russes mais il savait qu'il était inutile, du moins dans une période initiale, d'essayer de faire partager ses craintes par Napoléon.
Depuis le mois de mars, Berthier coordonnait les mouvements des corps de troupes qui depuis différents points d'Europe convergeaient vers la Vistule. Cette concentration ne prit pas moins de deux mois. Napoléon, de son côté, ne se hâtait pas d'aller se mettre à la tête de son armée. Il ne quitta Partis, en compagnie de Marie-Louise et de Berthier, que le 9 mai, ne voulant pas tenir compte des avis que l'été en Russie était court et la mauvaise saison souvent précoce. Le major général laissait la princesse de Wagram de nouveau enceinte, qui allait lui donner une fille au mois d'août.
L'empereur allait encore perdre du temps à Dresde (près de quinze jours) devant « un parterre de rois » à ses pieds, même si plusieurs d'entre eux auraient plutôt souhaité l'étrangler !
Berthier, pestant qu'il avait d'autres sujets de préoccupation, participa à cette espèce de mascarade en tant que prince souverain. Il était le seul Français, en dehors de la famille impériale, à remplir ce rôle. Mais il dut avaler quelques couleuvres, en particulier lorsque, en tant que grand veneur, il entendit Napoléon déclarer, à l'issue d'une chasse au sanglier, que la meute du roi de Saxe était supérieure à la sienne.
Ensemble, l'empereur et le major général quittèrent Dresde le 30 mai. Les sept corps de la Grande Armée et la réserve générale de cavalerie étaient déployés entre le nord de la Vistule et le sud de Varsovie. Le plan de Napoléon
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