Le Maréchal Berthier
voir une des causes de son comportement en 1814.
Napoléon avait, lui aussi, changé. De plus en plus despotique, il ne souffrait plus la contradiction et offensait facilement ses serviteurs les plus dévoués. Berthier ne méritait pas un tel affront.
L'empereur avait vu juste. Les Russes acceptèrent enfin la bataille mais contre une armée française très affaiblie et à quatre cent cinquante kilomètres de ses bases (7 septembre). Elle n'eut aucun caractère décisif. Si les pertes des Russes furent le double de celles des Français et si ceux-ci restèrent maîtres du terrain, les vaincus n'abandonnèrent pas un canon et ne laissèrent pas de prisonniers. Chaque parti cria victoire, ce qui était d'une certaine impudence de la part des Russes et de Koutousov, leur nouveau général en chef.
Le 14 septembre, Berthier, aux côtés de l'empereur, entra à Moscou en se demandant si, tout compte fait, celui-ci n'avait pas eu raison. Toutefois, il continuait à estimer qu'il serait sage de reculer jusqu'à la frontière avant l'hiver. Il mit sous les yeux de Napoléon un état du 28 septembre. L'armée ne comptait plus que 93 000 combattants. Convaincu, cette fois, l'empereur lui demanda de préparer la retraite. Il comptait l'arrêter entre le Dniepr et la Dvina, ou alors entre Smolensk et Minsk, pour marcher de là sur Saint-Pétersbourg. Mais, alors que Berthier le suppliait de hâter le départ, Napoléon se montrait irrésolu et traînait. Contre toute raison, il espérait qu'Alexandre serait enfin disposé à traiter. Le 13 octobre, il réunit un conseil de guerre et demanda à ses généraux leur avis sur l'opportunité de partir. Tous, sauf Daru qui préconisait d'hiverner sur place, se déclarèrent partisans du retour. Le 17, Berthier expédia les premiers ordres pour préparer le repli général. Le même jour, à Winkowo, les Russes attaquèrent les avant-gardes de Murat. Ils furent difficilement repoussés au prix de pertes sévères et Napoléon admit enfin qu'il fallait partir.
Berthier quitta Moscou avec l'empereur, le 18 octobre. Eugène commandait l'avant-garde, suivi par Davout, Ney, puis par la garde impériale. Ce fut en vain que le major général tenta de faire réduire le train de bagages, fruit d'un immense pillage de la ville. Napoléon avait prévu de passer par la ville de Kalouga, empruntant une route plus au sud que celle qu'il avait prise à l'aller, mais l'armée russe lui barra la route, offrant cette fois la bataille. Le 25 octobre au matin, alors que l'empereur effectuait une reconnaissance, il faillit être enlevé par un détachement de cosaques. Les maréchaux et généraux qui l'entouraient, Berthier, Bessières, Murat, Rapp et leurs officiers mirent le sabre en main pour le protéger jusqu'à ce que les cavaliers de l'escorte accourent le dégager. Peut-être impressionné, Napoléon refusa de tenter de percer sur Kalouga et ordonna de prendre la route directe de Smolensk qui bénéficiait d'une bonne chaussée. Mais sur celle-ci, ravagée par le conflit, on ne trouverait aucun ravitaillement. Alors commença ce long calvaire entrecoupé de combats d'arrière-garde où Davout puis Ney firent preuve de qualités de courage et de sang-froid hors pair. Et on ne vit jamais Napoléon, toujours en avant entouré des débris de la garde, se porter vers l'arrière sur la ligne de feu. Ce comportement peu brillant est passé sous silence. Berthier et ce qui restait de l'état-major toujours à ses côtés observaient avec de plus en plus de réprobation cette étrange conduite. Mais Napoléon n'abandonnait pas le commandement et Berthier avait de plus en plus de mal à transmettre les ordres faute d'officiers et surtout de chevaux. Car à partir du 6 novembre un froid terrible s'était abattu qui, en plus de la faim, tuait hommes et animaux.
La situation s'aggravait de jour en jour. L'armée peu à peu tournait à la cohue. Faute d'instructions, les chefs de corps étaient livrés à eux-mêmes. Napoléon semblait perdre le sens des réalités. Il eut une scène d'une rare violence avec Davout à qui il fit des reproches que le maréchal ne méritait pas. D'un caractère peu commode, le prince d'Eckmühl riposta vertement et tomba dans uns sorte de disgrâce. Berthier qui avait été témoin de l'altercation ne put rien faire pour en atténuer les effets. Dans cette atmosphère de tragédie, Berthier tenta par un ordre du jour inspiré par Napoléon de galvaniser les énergies.
À
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