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Le Maréchal Berthier

Le Maréchal Berthier

Titel: Le Maréchal Berthier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric Hulot
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occasions d'accrocher l'ennemi, il réussit toujours à échapper. En arrivant à Witebsk, le 28 juillet, l'état-major en collationnant ses documents constata que l'armée d'attaque qui, le 24 juin, comptait 420 000 hommes, en avait perdu plus de la moitié et n'en alignait plus que 235 000. Appuyé par Caulaincourt, Duroc et Rapp, Berthier prit le taureau par les cornes et parla franchement à l'empereur. Selon lui et ses camarades, il ne fallait pas aller plus loin, à la rigueur à Smolensk, mais il était impératif de ne pas dépasser cette dernière ville, de s'y organiser pour passer l'hiver et recommencer les opérations beaucoup plus tôt dans la saison en 1813. Ce fut l'occasion d'une violente altercation entre le major général et l'empereur qui s'obstinait dans son idée de vouloir poursuivre l'armée russe pour la forcer au combat et la vaincre. Il se laissa aller à dire : « Berthier, je donnerais un bras pour que vous soyez à Grosbois. Non seulement vous ne m'êtes bon à rien mais vous me nuisez ! » Sans un mot, le major général sortit de la pièce et rentra dans son logement. Sentant qu'il était allé trop loin, l'empereur lui fit peu après des excuses. Mais il était évident que le major général aurait du mal à supporter la répétition de ce genre d'affrontements.
    Smolensk tomba, mais cette conquête ne résolut en rien les problèmes que rencontrait l'armée. Les Russes en évacuant une ville ne laissaient derrière eux que des magasins vides ou incendiés.
    Sans doute, en un sens, Napoléon avait-il raison de vouloir poursuivre l'offensive. L'interrompre lui eût donné des allures de vaincu. Mais en avait-il encore les moyens ? Il subodorait que l'opinion publique russe n'accepterait pas d'abandonner Moscou sans avoir livré bataille. Mais aurait-il la possibilité non pas seulement de battre mais également d'écraser l'armée russe ? D'un autre côté, contrecoup des nombreuses difficultés, l'empereur voyait chaque jour la discipline se relâcher, les pillages augmenter, le service manquer de rigueur. Le 2 septembre, il adressa une note assez sèche à Berthier : « L'état-major ne m'est d'aucun service ; aucun officier d'état-major ne sert comme il devrait… Faites en sorte que les premiers bagages que je ferai brûler ne soient pas ceux de l'état-major… Il est impossible de voir un plus mauvais ordre que celui qui y règne. » Paroles blessantes, injustes, car c'était au travail de l'état-major qu'était dû le fait qu'il régnait encore un certain ordre dans l'armée ; mais elles traduisaient le désarroi de l'empereur.
    Deux jours plus tard, le 4 septembre, il demanda à Berthier d'adresser aux chefs de corps des recommandations pour « faire cesser ces désordres ». Mais les généraux mécontents commençaient à se demander dans quelle aventure les entraînait Napoléon. Ils firent connaître leurs doléances à Berthier et celui-ci une fois de plus se décida à affronter le « patron ». La réaction des généraux avait été rapide puisque le choc eut lieu le lendemain du jour où la note leur avait été adressée. La situation des troupes, estimaient-ils, devenait de plus en plus précaire. Certaines unités ne recevaient plus de vivres et le pays offrait de moins en moins de ressources. Aussi Berthier, une fois de plus, essaya de raisonner l'empereur. Il n'était pas possible, plaida-t-il, de continuer dans ces conditions. Napoléon entra dans une violente colère d'autant qu'il savait bien que Berthier n'avait comme objectif que l'intérêt général : « Allez-vous-en, cria-t-il, je n'ai pas besoin de vous. Vous n'êtes qu'une merde. Rentrez en France. Je ne retiens personne de force ! »
    Dennie, un des employés civils de Berthier qui assistait à la scène, raconte dans son Itinéraire de l'empereur à quel point il avait été frappé par la dignité du maréchal qui répondit : « Quand l'armée est devant l'ennemi, le vice-connétable ne la quitte pas. Il prend un fusil et se met dans les rangs des soldats ! »
    Cette fois la brouille fut sérieuse. Pendant plusieurs jours, en dehors des questions de service, les deux hommes ne s'adressèrent plus la parole et Napoléon s'abstint de recevoir le maréchal à sa table. Puis les choses se tassèrent, mais le motif profond de la querelle n'avait fait l'objet d'aucun examen approfondi. Toutefois, dès ce moment, Berthier cessa d'être dévoué corps et âme à Napoléon et là sans doute faudra-t-il

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