Le Maréchal Berthier
continuer les hostilités qui lui seraient forcément favorables ».
Lorsque Metternich repartit, Berthier tint à le raccompagner jusqu'à sa voiture, anxieux d'apprendre comment l'entrevue s'était déroulée et surtout quels en étaient les résultats. L'Autrichien joua franc jeu en ce sens qu'il déclara :
— « Il m'a donné tous les éclaircissements désirables ; c'en est fait de lui ! »
Il allait demeurer encore quelques jours à Dresde et rencontra encore une fois l'empereur sans qu'il en résultât rien de positif qu'une prolongation de l'armistice.
Berthier était catastrophé. Il avait compris qu'après cette tentative l'Autriche allait sauter le pas et se joindre à la coalition. Le major général, grâce aux renseignements collectés par ses services, pouvait désormais tabler sur des armées alliées alignant plus de 300 000 hommes en face de 150 000 Français : un contre deux ! Pourtant, un congrès s'ouvrit quelques jours plus tard à Prague où furent discutées des conditions de paix. Mais, en réalité, tant d'un côté que de l'autre personne ne croyait aux possibilités d'aboutir.
Savary accouru de Paris apporta des nouvelles inquiétantes. L'atmosphère dans le pays était de plus en plus lourde. Les Français lassés de l'augmentation des impôts, de la conscription, des restrictions imposées par le blocus n'aspiraient qu'à la paix et dans certains milieux souhaitaient ouvertement le retour du roi. Il conclut que la paix était indispensable. Fouché depuis Paris joignit sa voix à celle de son successeur, craignant précisément les calamités qu'un retour de la royauté ne manquerait pas d'attirer sur les hommes de la Révolution. Caulaincourt et Berthier se joignirent à lui pour essayer de faire changer d'avis leur souverain avant qu'il ne soit trop tard. Peine perdue ! Napoléon fou d'orgueil ne voyait d'autre solution que dans la poursuite des hostilités.
Là-dessus éclata l'affaire Jomini. Ce général d'origine suisse qui était chef d'état-major du corps de Ney et général de brigade depuis 1810 souhaitait être promu général de division. Sa brillante conduite à Bautzen avait incité Ney à demander pour lui cet avancement. Or, pour d'obscures raisons dont la moindre n'était pas son caractère difficile qui le portait un peu trop facilement à tout critiquer, Berthier ne l'aimait pas. Il jugea la requête infondée et au lieu de la soumettre immédiatement à l'empereur la fit traîner. Mieux, Jomini qui avait négligé d'envoyer au G.Q.G. des états de situation de quinzaine se vit infliger par le major général une punition de 15 jours d'arrêts. Aussi, quelques jours avant la fin de l'armistice, il déserta et passa carrément dans le camp russe. Ses ouvrages, études très complètes sur les guerres de la Révolution, lui avaient valu une certaine célébrité. Il fut accueilli à bras ouverts. Napoléon s'imagina qu'il était parti en emmenant ses plans de campagne. C'était inexact. Jomini ne les connaissait pas. Il est certain que dans cette affaire, somme toute de peu d'importance, la responsabilité de Berthier était grande. Pourtant, il ne fit l'objet d'aucun reproche de la part de l'empereur.
Le 14 août, Murat arriva au quartier général et sa venue fut ressentie comme un facteur favorable. On pouvait être certain que la cavalerie sous son impulsion donnerait son maximum d'efficacité. Berthier fut prié par Napoléon de lui dresser un nouveau tableau de la situation. Elle était beaucoup moins brillante que Napoléon ne l'avait cru. Les alliés avaient formé trois armées commandées respectivement par Bernadotte, Blücher et Schwarzenberg. Elles constituaient une masse de cinq cent soixante-quinze mille hommes, beaucoup plus que n'avaient laissé prévoir les premières estimations. Mais surtout elles pouvaient compenser leurs pertes à venir puiser dans des réserves évaluées à deux-cent cinquante mille soldats.
Leur point faible était leur commandement. Deux de leurs généraux en chef étaient au-dessous du médiocre. Seul Bernadotte avait prouvé qu'il était un bon général. Mais valait-il Napoléon dont le génie militaire permettrait peut-être de contrebalancer la supériorité numérique de ses adversaires ? Ce fut alors que l'on apprit au quartier général une nouvelle qui pouvait radicalement modifier les données. Le général Moreau qui avait probablement été le meilleur stratège et le plus fin tacticien de sa génération,
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