Le Maréchal Berthier
ancien commandant en chef de l'armée du Rhin, vainqueur de la bataille de Hohenlinden, qui vivait aux États-Unis, revenait en Europe. Or en tant que manoeuvrier il était sans doute supérieur à Napoléon. Celui-ci l'avait toujours considéré comme un rival dangereux et l'avait contraint à l'exil après un procès inique à l'issue duquel on l'avait dépouillé d'une partie de ses biens. Il avait été impliqué par la police dans la conspiration de Cadoudal qu'il ne connaissait même pas. Depuis 1804, il résidait avec sa famille outre-Atlantique. C'était à la demande du tsar et sur l'insistance de ses amis Bernadotte, Madame de Staël et Hyde de Neuville, agent de Louis XVIII, qu'il avait accepté après beaucoup d'hésitations de rentrer. On pouvait craindre qu'il ne prît le commandement de toutes les armées alliées tant sa haine de Napoléon était grande. En fait, il n'avait accepté que d'être conseiller militaire du tsar. Mais c'était déjà beaucoup. Il allait être mortellement blessé à la bataille de Dresde et avant de mourir donnerait cet avis : « Combattez l'empereur Napoléon partout où il ne sera pas. »
Les hostilités recommencèrent le 20 août. La marche en avant qu'avait prévue Napoléon n'avait pu être réalisée en raison des mouvements des ennemis. Une bataille se déroula autour de Dresde. La présence de Napoléon, les fautes de Schwarzenberg permirent de remporter une nette victoire. Durant toute la journée Berthier était resté aux côtés de l'empereur transmettant ses ordres aux différents corps d'armée. Le combat interrompu à la nuit reprit le lendemain et permit de parachever le succès. Mais ses conséquences furent limitées. On apprit bientôt qu'Oudinot dont le corps était trop faible (Berthier l'avait pourtant souligné à plusieurs reprises) n'avait pu s'ouvrir la route de Berlin, que Macdonald attaqué par surprise par Blücher avait subi des pertes sévères (vingt mille hommes ; cent canons), et enfin quelques jours plus tard que Vandamme blessé avait été contraint de se rendre après que son corps d'armée ait été mis en déroute.
Revenus à Dresde, Napoléon et Berthier analysaient la situation. L'empereur voulait toujours manoeuvrer entre les armées adverses en prenant à présent les capitales et non plus les troupes comme objectif alors qu'au contraire les alliés s'étaient donné comme but la destruction de ses forces. Berthier qui jugeait mieux que lui la gravité de la situation commença à craindre que son armée n'ait pas la dynamique nécessaire pour répondre à se désirs. Les alliés semblaient inaugurer une nouvelle méthode stratégique inspirée par le conseil de Moreau. Partout où paraissait Napoléon, l'ennemi se retirait mais portait ses efforts ailleurs et l'empereur ne pouvait être partout à la fois. Le 7 septembre, Ney qui tentait lui aussi de marcher sur Berlin fut battu à Dennewitz par Bernadotte. Berthier fut frappé du calme avec lequel Napoléon apprit la nouvelle qui mettait un terme à sa nouvelle offensive. En même temps, il s'apercevait que les alliés avaient entrepris un mouvement concentrique pour l'envelopper. À ce moment, Berthier, qui, mal remis de sa précédente maladie, s'était, depuis l'ouverture de la campagne, donné à fond, eut une rechute. Mais même grelottant de fièvre il continua à assurer ses fonctions. Il comprenait que la situation de l'armée française devenait de jour en jour plus précaire. Pourtant, Napoléon espérait encore battre ses adversaires en détail et dans ce but concentra toutes ses forces à Dresde. Mais les alliés, forts de leur énorme supériorité numérique, réussirent le 3 octobre à déborder la gauche française. Désormais Napoléon devait se replier sur Leipzig et là tenter d'accabler successivement les deux groupes d'armées ennemies qui avançaient sans liaisons entre eux pour tenter de l'encercler.
La position générale de l'armée française, le dos à la rivière Elster, était d'autant plus défavorable qu'un seul pont traversait le cours d'eau en cet endroit. L'emplacement où se trouvaient nos troupes n'était pas sans rappeler celui des Russes à Friedland et Berthier, inquiet, proposa à Napoléon de doubler l'ouvrage en lançant un pont de bateaux qui pourrait se révéler utile en cas de retraite. Mais celui-ci lui répliqua que c'était inutile car il avait bien l'intention de gagner la bataille !
Toutes les manoeuvres préliminaires se
Weitere Kostenlose Bücher