Le Maréchal Berthier
maîtresse. Sinon, il n'eût pas hésité à se joindre à l'empereur. Celui-ci le comprit et ne lui en tint pas rigueur.
En ces derniers jours de vie commune, les rapports des deux hommes semblent être redevenus presque chaleureux. Leur souci commun était le sort de l'armée. Du reste, Napoléon après avoir signé son acte d'abdication avait une fois de plus délégué au major général le commandement en chef. Il se préoccupait néanmoins du devenir de ses soldats et à plusieurs reprises pressa Berthier de demander aux différents chefs de corps les propositions d'avancement et de décorations afin d'en accorder le plus grand nombre tout en sachant pertinemment que le nouveau gouvernement mettrait une certaine réticence à les homologuer.
Les services de Berthier, même réduits, continuaient à fonctionner parfaitement. Le baron Dufresne, secrétaire du maréchal qui s'occupait des formalités administratives, se mit donc au travail tout en avertissant les généraux que ces demandes seraient les dernières.
Les reproches non formulés de Berthier vis-à-vis de Napoléon n'avaient plus de raisons d'être puisque les hostilités avaient cessé. Dans les pires conjectures, le maréchal n'avait jamais songé à l'abdication et à l'écroulement de l'Empire. À Fontainebleau, où on avait appris le retour des Bourbons, cette nouvelle n'avait pas tellement réjoui le prince de Wagram. Il connaissait personnellement Louis XVIII, savait le personnage habile, retors mais assez faux et profondément égoïste. Aussi se posait-il des questions sur la manière dont il se comporterait vis-à-vis des anciens serviteurs de l'Empire, et il n'était pas certain que ses services sous l'ancien régime puissent être pour lui un avantage.
On préparait cependant le départ de Napoléon. Berthier veilla, en collaboration avec Drouot, à lui constituer une escorte de 1 500 cavaliers qui, en définitive, ne l'accompagna pas au-delà de Briare. Les défections commençaient à se multiplier même surtout parmi les privilégiés du régime impérial qui déjà rivalisaient de platitude vis-à-vis du nouveau pouvoir. Ney avait été un des premiers à tourner casaque. Impassible, Berthier restait auprès de l'empereur. Même lorsque de Paris, et à la demande du commandement allié, il reçut l'ordre de transférer à Chartres le quartier général, Berthier chargea de l'opération, qui commença le 11 avril, le général de Monthyon qui l'avait remplacé à la tête de l'état-major. Lui-même comptait sous quelques jours se rendre dans cette ville mais retenu par d'autres obligations ne put matérialiser ce déplacement. Il était à présent en relations épistolaires avec le nouveau ministre de la Guerre, le général Dupont. Il était assez piquant de penser que Berthier avait composé le tribunal qui avait condamné Dupont en 1812 et en avait même fait partie. Tous deux eurent la sagesse de passer l'épisode sous silence. Leur principale préoccupation était de conserver à la France des forces militaires suffisamment importantes et cohérentes pour la mettre en mesure de faire face à n'importe quel événement. Mais les alliés s'impatientant de voir précisément les corps d'armée français se reconstituer et se remettre en état, Berthier jugea sa présence à Paris aux côtés de Dupont nécessaire. Il quitta donc Fontainebleau le 13 avril et Napoléon se méprenant sur son compte déclara à Caulaincourt : « Qu'il le connaissait et qu'il ne reviendrait pas ! » Il se trompait. Après avoir mis au point avec Dupont un moyen d'accélérer l'expédition des ordres, le maréchal revint à Fontainebleau le 15. Il n'avait même pas été saluer le comte d'Artois, frère du roi, qui était à Paris depuis le 12. Il comptait demeurer encore plusieurs jours auprès de Napoléon mais, comme le départ de celui-ci était fixé au 18 avril (en fait, il n'eut lieu que le 20), Berthier estima son rôle terminé. Le 17, il écrivit une dernière lettre au ministre, lui précisant que son rôle en tant que major général avait pris fin et lui laissant le soin de décider s'il désirait conserver l'état-major général toujours en attente à Chartres ou le dissoudre.
Le même soir, ayant pris congé de Napoléon qu'il ne devait jamais revoir, il retourna à Paris et rentra chez lui, bien décidé pour le moment à demeurer dans la vie privée.
1 -
Le calibre des pièces d'artillerie était déterminé par le poids du
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