Le Maréchal Berthier
projectile : 4, 6, 8 livres.
XIII
LES VICISSITUDES DE LA RESTAURATION
(1814-1815)
Quoique l'état-major général continuât à fonctionner à Chartres, Berthier avait écrit à Dupont, le 17 avril, qu'il n'y avait plus besoin de major général puisque désormais l'armée était sans commandant en chef. Il estimait donc n'avoir plus aucun rôle à jouer. Il allait toutefois se heurter aux désirs des deux femmes qui tenaient une place si importante dans sa vie : son épouse et sa maîtresse. Pour des raisons différentes, elles poursuivaient un même but. De par ses origines familiales, la princesse de Neuchâtel et de Wagram savait qu'elle aurait droit à une place de premier rang à la nouvelle cour de France. Il était exact que, dans la préséance dictée par l'Étiquette, elle venait immédiatement après la famille royale. Or, ce rôle à la cour de Louis XVIII, elle entendait l'assumer et, déjà, savait qu'elle se sentirait plus à son aise dans l'entourage du roi que dans celui de l'empereur. Aussi n'imaginait-elle pas un instant que son mari résiliant titres et prérogatives se retirât dans ses terres ! Elle le lui dit fermement et Berthier, qui, s'il ne l'aimait pas, avait beaucoup d'affection pour elle, se résigna assez facilement à se plier à ses désirs.
De son côté, la marquise, qui se faisait appeler maintenant « comtesse Visconti », si elle n'était plus en état de mener physiquement la vie de cour, entendait encore recevoir et tenir un brillant salon. Pour cela, elle souhaitait que son amant continuât à occuper une place de premier plan et ne le lui cela pas.
Le duc de Berry, second fils du comte d'Artois, donc neveu du roi, arriva à Paris sur ces entrefaites. Tous les corps de l'État se devaient d'aller au-devant de lui pour le saluer. Les maréchaux unanimes vinrent trouver Berthier en le priant de prendre la tête de leur délégation. Il était le plus ancien d'entre eux, en quelque sorte leur supérieur, et de plus connaissait certains membres de la famille royale à titre personnel. Berthier ne songea même pas à se dérober d'autant qu'il avait déjà été absent pour l'entrée à Paris du comte d'Artois. Dans l'intérêt de l'armée comme dans le sien, il se devait d'accomplir cette démarche et le fit avec sa politesse et sa bonne grâce habituelles. Le duc arriva le 21 avril par la barrière de Clichy, et Berthier prenant la parole au nom de ses camarades assura le prince des sentiments de fidélité de l'armée. Il eut sans doute le tort d'ajouter dans son allocution les termes d'« amour » et de « bonheur » qu'un certain nombre de personnalités civiles et militaires présentes estimèrent un peu trop superlatifs. Le duc de Berry qui avait la réputation d'un individu grossier et mal élevé se montra charmant et tint à entrer en ville encadré par les maréchaux Berthier et Moncey.
Le surlendemain, le prince de Wagram reçut à Grosbois l'empereur d'Autriche qui y fut rejoint par l'impératrice Marie-Louise, sa fille, et le roi de Rome, son petit-fils. Cette visite se déroula comme si aucune armée autrichienne ne campait aux environs de Paris.
Dans les jours qui suivirent, le prince de Neuchâtel eut la désagréable surprise d'apprendre que les souverains alliés avaient décidé, sans consulter personne et surtout pas l'intéressé, de rendre Neuchâtel au roi de Prusse. Cette rétrocession prendrait date au jour de la signature du traité de paix, Berthier pouvant jusque-là conserver son titre « d'altesse sérénissime ». Il ne put que s'incliner. Cette opération avait comme un parfum de brigandage. Le roi se sentit quelque peu gêné, tout vainqueur qu'il fût. Ce fut sans doute pourquoi il offrit en compensation à Berthier une rente viagère de 25 000 francs (environ 99 000 euros) qui, après d'âpres discussions, fut portée à 34 000, réversible pour moitié sur la tête de la princesse. Le maréchal eut la faiblesse d'accepter ce singulier marché car il demeurait très sensible aux questions d'argent. Pourtant, les encouragements à se rebeller contre cette spoliation ne manquèrent pas au cours des discussions. Même le roi Louis XVIII l'y encouragea, furieux de voir Genève lui échapper. Il est vrai qu'il eut comme une revanche lorsqu'il apprit que la délégation de notables neuchâtelois, venus saluer Frédéric-Guillaume, n'avaient cessé de chanter les louanges du « bon prince Alexandre », dont la popularité avait encore été au
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