Le Maréchal Berthier
annonce était prévisible. L'armée était ramenée sur un pied de paix. Certes, en commettant la même faute qu'avant la Révolution où la disparition de l'état-major avait eu de fâcheuses conséquences, le gouvernement avait tort. Mais l'entourage de Louis estimait que, pour l'heure, les services du ministère seraient suffisants pour assumer ce rôle. Berthier qui ne se considérait pourtant plus comme le major général fut pourtant prié de donner des ordres en ce sens au général de Monthyon. Le 12 du même mois, procédant de la même logique, le roi décida de réduire fortement l'armée. L'infanterie fut ramenée de deux cent six à cent sept régiments, la cavalerie de quatre-vingt-dix-neuf à soixante et un, l'artillerie de trois cent trente-neuf à cent quatre-vingt quatre compagnies, le génie de soixante à trente. Dans ce cadre général, fut supprimé, sans que cela suscita de hargne, le bataillon de Neuchâtel créé par Berthier. Ses anciens sujets furent très heureux d'être libérés et de pouvoir rentrer dans leurs foyers. En fait, c'était moins par hostilité contre le système napoléonien que le gouvernement agit de la sorte que parce que l'Empire avait laissé le pays dans une situation financière désastreuse et que des économies drastiques s'imposaient. Mais il est certain que, dans le même temps, la création de la maison militaire du roi fut très mal perçue par les officiers mis à la retraite d'office ou en demi-solde. Durant les mois suivants, ils allaient se faire les agents de propagande actifs du bonapartisme.
Il était pourtant normal qu'il y eût une garde royale et que ses soldats soient, en quelque sorte, privilégiés. Tous les souverains en possédaient une et Napoléon n'avait pas fait exception. D'ailleurs, précisément en hommage à l'armée et surtout à ses chefs, le roi décida que sa nouvelle maison militaire comprendrait non plus quatre mais six compagnies et que le commandement des deux nouvelles serait attribué à deux maréchaux d'Empire. La première fut donnée à Berthier, ce qui, en tant que major général, était assez normal. Le choix pour la seconde étonna un peu. L'élu fut Marmont. Peut-être la décision du roi fut-elle dictée par le fait que précisément Marmont qui semblait s'être rallié sans arrières pensées avait été un ami proche de l'empereur. Mais, dans les milieux d'opposition, on se dépêcha de baptiser leurs unités : compagnie de Saint Pierre pour Berthier et de Judas pour Marmont. C'était une propagande de parfaite mauvaise foi. Berthier n'avait pas renié et Marmont pas trahi leur précédent maître. Ces sobriquets faisaient partie d'un plan destiné à déstabiliser l'armée et à discréditer certains de ses chefs.
Il peut paraître dérisoire que le major général de la Grande Armée en ait été réduit à commander une compagnie de gardes du corps. C'est, à quatre exceptions près, tous les maréchaux reçurent des affectations, en général la direction d'une région militaire. Mais c'était en temps de paix des fonctions tout à fait normales même si elles se réduisaient à peu de chose. Dès lors, les positions de Marmont et de Berthier pouvaient être considérées comme privilégiées. Le prince de Wagram devait paraître à la cour aux côtés de sa femme.
À côté de ces avantages, il eut à supporter un certain nombre d'avanies, pas toujours des plus agréables même s'il s'attendait à certaines d'entre elles. Ce fut ainsi qu'il perdit toutes ses dotations étrangères mais conserva les françaises dont le total s'élevait à 480 000 francs (approximativement 73 175 euros). Plus déplaisante fut, le 16 mai, la nouvelle que le titre de colonel général des Suisses lui était enlevé. Purement honorifique, celui-ci n'avait été porté depuis une quinzaine d'années que par des soldats de mérite. Or, on le « rendit » à Monsieur, frère du roi, et le comte d'Artois aurait été bien incapable de faire manoeuvrer une compagnie. Berthier perdit également, au moment de la signature du traité de paix, son titre d'altesse sérénissime, lié à la principauté de Neuchâtel.
Enfin, il eut à subir, sans avoir la possibilité de réagir, un certain nombre de piques de la part d'anciens émigrés qui n'avaient d'autres titres de gloire que leurs quartiers de noblesse. C'est ainsi que le prince de Poix, autre capitaine des gardes, qui affectait de l'appeler par son nom et non par son titre, lui
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