Le Maréchal Berthier
les Bourbons qui l'emportèrent, cela tint pour beaucoup au fait que le gouvernement britannique finançait la coalition.
À Fontainebleau, Napoléon se préparait à marcher sur Paris. Le 4 avril, il donna des ordres à Berthier en ce sens. Le moral des troupes semblait excellent. Mais les maréchaux à leur arrivée douchèrent son enthousiasme. Napoléon avait convoqué Lefebvre, Oudinot, Ney et Macdonald et les reçut en présence de Berthier et de Caulaincourt. Tous représentèrent à l'empereur que ses ordres étaient impossibles à mettre à exécution et allèrent jusqu'à prononcer le mot d'« abdication ». Berthier pendant toute la séance demeura muet. Il était parfaitement conscient de la justesse du raisonnement de ses camarades mais ne voulait pas avoir l'air de trahir ouvertement l'empereur quoiqu'il connût les récents événements de Paris.
Frappé par cette unanimité, Napoléon décida alors d'essayer de traiter avec les alliés sur la base d'une abdication en faveur de son fils et il décida d'envoyer Caulaincourt, Ney et Macdonald négocier avec les souverains étrangers. Il comptait beaucoup sur le caractère sentimental du tsar pour obtenir gain de cause et n'avait sans doute pas tort. Caulaincourt demanda que l'empereur désignât Berthier pour présider la délégation. Napoléon s'y refusa, prétendant qu'il ne connaissait rien à la diplomatie ! En réalité, il prévoyait déjà de reprendre la lutte si ces pourparlers échouaient et savait que dans ce cas le major général serait indispensable à ses côtés. Ce fut donc Berthier qui envoya à Marmont, ou à son défaut à son plus ancien divisionnaire, l'ordre de se rapprocher de Fontainebleau.
Ce fut alors que se produisit l'incident que l'histoire a appelé à tort « la trahison de Marmont ». Celui-ci avait reçu à leur passage les trois délégués et ne leur avait pas caché qu'il négociait un armistice avec les Autrichiens, car son corps d'armée épuisé, manquant de vivres et surtout de munitions, était dans une situation désespérée. Les délégués se rendirent à Paris, furent reçus par le tsar qui se déclara intéressé par leurs propositions et les renvoya au lendemain. Ce jour-là, ils déjeunaient tous chez Ney lorsqu'arriva Marmont. Un peu plus tard, survint un de ses aides de camp qui leur apprit que son corps d'armée était tout entier passé chez les Autrichiens. L'auteur de cet acte était en réalité le général Souham. Divisionnaire depuis 1793, Napoléon ne lui avait jamais pardonné d'être un ami de Moreau et ne lui avait accordé que quelques avantages avec parcimonie. Bon général, Souham aurait pu prétendre autant et davantage que d'autres au maréchalat. C'était par pur esprit de vengeance, en partie justifié qu'il venait de passer avec ses troupes à l'ennemi. Mais son acte rendait toute négociation impossible. Marmont qui, suivant l'avis de ses camarades, avait rompu les pourparlers, était désespéré. Désormais l'abdication sans conditions s'imposait.
Une légende tenace a prétendu qu'au moment où les membres de son entourage commençaient à abandonner Napoléon, Berthier avait été parmi les premiers. Rien n'est plus inexact. Il allait demeurer aux côtés de l'empereur jusqu'à son départ ou presque. D'ailleurs, ses fonctions de major général dont nul ne songeait à le relever l'obligeaient à rester, car il avait toujours la responsabilité de l'entretien et de l'administration des troupes. Il dut également se préoccuper de veiller à l'application de la convention d'armistice signée avec les alliés à la suite de la capitulation de Paris.
Sur ces entrefaites, Berthier apprit que la princesse de Wagram avait quitté la capitale et cherché refuge à Chambord. Le 9 avril, il lui écrivit, lui demandant de rentrer à Paris et, en même temps, lui prêcha l'économie, car il se doutait qu'une bonne partie de leurs revenus, toutes les rentes sur les pays étrangers, allaient être perdues.
Ce fut au cours de ces journées où il expédiait les affaires courantes, organisant surtout le déplacement des troupes vers des cantonnements définitifs ou bien dans les lieux qui leur étaient assignés, que Napoléon qui savait que les alliés lui accordaient désormais le « royaume » de l'île d'Elbe, lui proposa de l'y suivre. Berthier refusa, car il savait que sa femme ne voudrait pas l'y accompagner et qu'il serait alors séparé de ses enfants et aussi de sa
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