Le Maréchal Berthier
il soulignait également sa loyauté vis-à-vis de la famille royale. Par chance pour Berthier, elle demeura sans suites et lui-même resta dans la plus incertaine des situations.
Il faisait partie d'une manière informelle de l'état-major de Kellermann lorsque celui-ci gagna avec Dumouriez la bataille de Valmy à laquelle il assista en spectateur. Le piquant de l'affaire est que si son armée se comporta au feu d'une manière digne d'éloges, elle le dut beaucoup à Berthier qui en tant que chef d'état-major avait puissamment contribué à faire de ces unités informes un ensemble cohérent et solide. Mais ce furent d'autres qui recueillirent les fruits de la victoire qui lui revenaient.
L'assemblée se sépara au lendemain de la bataille et céda la place à la Convention dont les membres (souvent les mêmes) n'étaient pas plus favorables à Berthier. Cet état de fait durait encore et Alexandre, dont la présence à l'armée ne se justifiait plus, avait eu la chance de ne pas être dénoncé lorsqu'en mars 1793 la Vendée s'insurgea. Le gouvernement de la Convention fit flèche de tout bois, d'autant que Dumouriez venait d'être battu à Neerwinden. Guerre à la frontière, révolte à l'intérieur, les autorités n'eurent pas à faire la fine bouche et lorsque Berthier offrit ses services comme simple volontaire, sa demande fut agréée. Il fut affecté à l'armée des côtes de La Rochelle dont le centre d'opérations était à Saumur et, venant de l'armée de l'est, il s'y présenta, le 14 mai, bien décidé à n'être qu'un simple soldat. La situation était critique. Mal encadrées, les troupes républicaines étaient partout battues par des Vendéens assez bien armés, commandés par des officiers de l'ancienne armée royale, très supérieurs en nombre à leurs adversaires. Ils avaient, en outre, l'avantage de bien connaître le terrain.
Le général en chef de l'armée républicaine était le duc de Biron, à présent Biron tout court. Il avait connu Berthier en Amérique. À ses côtés se trouvait un envoyé de la Convention, Ronsin, sorte de commissaire politique chargé à la fois de surveiller Biron et d'aider dans leur travail les deux représentants en mission Gramont et Parrain présents au quartier général. Ils ne connaissaient pas grand-chose aux questions militaires et Biron se dépêcha de leur adjoindre Berthier dont il appréciait la valeur. Tous quatre effectuèrent une tournée aux environs de Saumur et les représentants furent d'autant plus impressionnés par la science et le coup d'oeil d'Alexandre qu'alors que l'optimisme semblait général, leur expert conclut que les rebelles allaient se porter sur Saumur qui ne tiendrait pas. Aussi les représentants se hâtèrent-ils de lui rendre ses étoiles de général et de le nommer chef d'état-major. Il ne put qu'accepter mais ce fut sans enthousiasme, car quiconque endossait des responsabilités risquait fort en cas d'échec d'être condamné à l'échafaud. De plus, il connaissait l'état lamentable des troupes dont il allait devoir s'occuper. L'ensemble était commandé par deux anciens officiers de l'armée royale, Coustard de Saint-Lo qui se faisait appeler Coustard et Menou de Boussay qui avait raccourci son nom en Menou. Tous deux connaissaient leur métier mais manquaient de caractère et avaient du mal à s'entendre.
Les assaillants avaient encore moins d'instruction que les républicains mais ils étaient plus nombreux et fanatisés. Ils finirent non sans mal par enlever Saumur, le 10 juin. Au cours du combat, Berthier qui avait eu deux chevaux tués sous lui fut légèrement blessé. Il n'en demeura pas moins à son poste et réussit à empêcher, par son action énergique, que la retraite des bleus ne tourne à la déroute. Frappés par son comportement dans la crise, les représentants du peuple le recommandèrent chaudement au nouveau général en chef, Rossignol, ancien ouvrier orfèvre, sans-culotte et ardent patriote mais parfaitement incompétent. Biron accusé de pactiser avec les aristocrates avait été relevé. Arrêté peu après, il serait condamné à mort et exécuté avant la fin de l'année. La situation de Berthier, un peu suspect lui aussi à cause de sa croix de Saint-Louis, n'était rien moins qu'enviable, et il sentait bien qu'à la moindre erreur il risquerait lui aussi d'être envoyé devant le tribunal révolutionnaire. Aussi n'osa-t-il pas refuser lorsqu'il lui fut signifié son maintien à sa
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