Le Maréchal Berthier
promesse qui demeura sans suites. Le mois suivant, Luckner était nommé à la tête des deux armées du nord et du centre et Berthier se trouva automatiquement chef d'état-major d'un groupe d'armées, sans recevoir pour autant davantage de moyens pour exercer ses fonctions.
C'est que les événements de Paris avaient, d'une manière indirecte, influencé l'organisation des armées. Le 20 juin, une émeute avait envahi les Tuileries, mais le roi avait trouvé le courage de lui faire face, quoique pendant plusieurs heures il ait été hué et presque molesté par des scélérats déchaînés.
Indigné, La Fayette quitta son commandement de l'armée du centre pour venir protester à l'assemblée contre ce qu'il considérait comme une violation de l'autorité royale. Berthier qui partageait ses opinions, ne comprenant pas que pour l'heure il fallait dissimuler ses sentiments, écrivit au roi pour lui faire part de son indignation et se proposa pour combattre les factieux de l'intérieur. Malheureusement, la lettre tomba entre les mains des Jacobins et la naïveté de Berthier allait lui coûter cher ! Tandis que La Fayette, accusé d'aspirer à la dictature militaire et ayant en vain tenté de faire marcher son armée sur Paris après le 10 août, prenait la fuite et passait chez les Autrichiens, le 19 août, les ennemis de Berthier se déchaînaient contre lui.
Dès le 2 juillet, sa lettre avait été publiée dans le Journal de Paris et il était dénoncé comme un agent du roi. Aussitôt, il demanda à son chef de prendre sa défense, ce que Luckner accepta volontiers en écrivant une lettre de protestation au président de l'assemblée.
À l'armée même, la situation de Berthier devenait délicate. Le ministre de la Guerre, Dumouriez, qui le détestait avait quitté courant juillet son poste pour venir prendre le commandement de l'armée du nord. Dès le départ, il se mit à désobéir aux ordres de Luckner et reçut un blâme qu'il attribua à Berthier dont il connaissait l'influence sur le maréchal. Il écrivit donc au roi pour se plaindre, mais sa démarche demeura sans suite ; Poursuivant sa vindicte un peu plus tard, il dénonça Berthier à l'assemblée. Si elle n'eut pas de conséquences immédiates, cette accusation devait l'année suivante lui causer un tort considérable Au même moment, Luckner devenu généralissime fut remplacé à l'armée du centre par Kellermann. Celui-ci ne connaissait pas Berthier mais en avait beaucoup entendu parler. Il décida donc de le garder comme chef d'état-major. La chose fut d'autant plus facile que trois représentants en mission qui avaient été envoyés dans l'est « exciter le courage des troupes et recevoir le serment des officiers » avaient été frappés par la manière dont Alexandre jouait son rôle avec zèle et l'avaient couvert d'éloges.
Seulement les politiciens enragés de Paris n'entendaient pas lâcher prise, et le 21 août le conseil exécutif de l'assemblée sous la pression du député Delmas et de Lecointre qui, de Versailles, le dénonçait sans arrêt, le releva de ses fonctions. Ce fut Kellermann qui lui apprit la nouvelle et qui prit sur lui de le maintenir à ses côtés car il en avait besoin. Sur ses conseils, Berthier, à présent chef d'état-major, sans en avoir le titre ni les pouvoirs, s'adressa, le 11 septembre, au ministre Servan en demandant à servir comme volontaire à l'armée de l'est. Kellermann appuya du mieux qu'il put la requête de son adjoint. Mais Servan, dans le climat régnant à Paris, craignait de se compromettre. Il préféra donc, comme il l'écrivit, suivre l'opinion publique et conclut que la destitution de Berthier était définitive. Au même moment, Luckner était rappelé à Paris où il serait jugé et exécuté en janvier suivant.
Le jeune général eut dans ces temps de troubles extrêmes et de massacres la sagesse de demeurer à l'armée. Cette situation mal définie perdurait encore en octobre après la victoire de Valmy. Le 18 octobre, il demanda communication de l'arrêt qui l'avait destitué et que nul n'avait songé à lui faire parvenir. Sans réponse le 3 novembre, il renouvela sa démarche, appuyée par Kellermann qui n'avait cessé de le réclamer. Au même moment, Custine, son ancien chef, à présent commandant de l'armée du Rhin, le demandait avec insistance comme chef d'état-major dans une lettre assez maladroite où il le couvrait d'éloges mettant en relief sa compétence et où
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