Le Maréchal Berthier
et, le 19 février 1791, montèrent en voiture et s'en allèrent sans difficulté avec une faible escorte fournie par Alexandre. Les séides de Lecointre prévenus, on ne sait comment, gagnèrent le château dont les occupantes étaient parties. Mais leurs bagages étaient encore là. Ils s'apprêtaient à les piller et à en faire autant de leur demeure lorsque Berthier, accouru à la tête d'un détachement, réussit par un habile stratagème à rétablir l'ordre et à sauver les bagages qu'il put faire parvenir à leurs destinataires. Il orienta simplement les émeutiers vers les celliers du château et les nombreuses bouteilles de vin que recelaient les caves firent les frais de l'opération.
L'affaire fit un certain bruit. Si les milieux royalistes, La Fayette en tête, louèrent Berthier pour son sang-froid et sa présence d'esprit, les démagogues, qui, déjà, ne pouvaient le supporter, le blâmèrent de s'être opposé aux « légitimes désirs du peuple ». Ils allèrent jusqu'à faire courir le bruit que, pris de remords, il avait démissionné, ce que Berthier démentit aussitôt. Mais sa position devenait chaque jour plus difficile à tenir. À Versailles, il était l'objet de menaces de la part de la populace et des poissardes le bombardaient de boue lorsqu'il passait dans les rues. Lecointre rédigea une pétition qu'il fit signer par des complices et l'envoya à la municipalité, affirmant que Berthier avait perdu la confiance de ses concitoyens. En même temps, il portait l'affaire devant le club des Jacobins qui traita le commandant de la place de despote et de vizir ! De son côté, le maire de la ville rendait hommage à Alexandre pour son action, « sa douceur, sa patience et sa modération ».
Au même moment, La Fayette renouvelait sa demande d'avancement. Il fit établir un mémoire spécial qui couvrait Berthier d'éloges, et, le 1 er avril, apportant un démenti aux agitateurs, le ministre signa la nomination de Berthier comme adjudant général et colonel. Celui-ci saisit l'occasion. Il ne démissionna pas sur-le-champ pour ne pas donner à ses adversaires l'occasion de triompher mais demanda sa réintégration dans l'armée régulière. Rochambeau le réclamait, mais dans la circonstance et avec l'accord de celui-ci, il passa à la 17 e division stationnée en région parisienne en tant qu'adjoint au chef d'état-major. Du reste, jusqu'en juin il avait une bonne raison pour demeurer à Versailles. Il allait assister au remariage de son père.
Cependant, la situation politique ne cessait de se dégrader. En juin, le roi ayant tenté de gagner avec sa famille la Lorraine où il disposait de troupes sûres était arrêté à Varennes. Devant ce qu'ils considéraient comme un risque de propagation de la subversion dans leurs États, les souverains étrangers commencèrent à concentrer des forces à proximité de la frontière française quand ce n'eût été que pour intercepter les agents de la Révolution.
De leur côté, le roi Louis XVI et l'Assemblée législative souhaitaient, pour des raisons diamétralement opposées, qu'éclatât un conflit armé, le premier y voyant une possibilité de rétablir son pouvoir et la seconde la faculté d'y supprimer les siens. Dans ce but, il fut procédé à la création de bataillons de volontaires à partir de rien, c'est-à-dire qu'il fallait les recruter, les équiper, les encadrer et leur inculquer les plus élémentaires devoirs du soldat. Berthier, dans le domaine de ses nouvelles fonctions, fut chargé de la mise sur pied des volontaires du Loiret et de la Seine-et-Oise. Ils formaient trente bataillons, mais l'esprit contestataire voulait que chaque ordre, au nom de la liberté, fît l'objet d'une discussion. Berthier ne tarda pas à penser qu'il risquait d'avoir à faire face à des difficultés similaires à celles qu'il avait connues à Versailles. Ce fut pourquoi il demanda à être muté au dépôt des cartes et plans de guerre qu'il connaissait parfaitement, puisque son père l'avait dirigé et que le directeur actuel était son ami Mathieu Dumas.
Sa requête fut agréée et il y fut nommé le 26 avril 1792. Il n'allait y rester que peu de temps. Devant le risque de voir éclater les hostilités, le gouvernement, en accord avec le roi, avait, lui aussi, garni de troupes les frontières. Le dispositif français était articulé en 4 armées : celle du nord commandée par le maréchal de Rochambeau, déployée entre Dunkerque et
Weitere Kostenlose Bücher