Le Maréchal Berthier
Philippeville ; celle du centre aux ordres de La Fayette entre Philippeville et Lauterbourg ; celle de l'est sous le maréchal Luckner de Lauterbourg à Bâle ; et enfin celle des Alpes aux ordres du général de Montesquieu. Puis, devançant ses adversaires potentiels, la France déclara la guerre le 20 avril 1792 à l'Autriche, à la Prusse et pour faire bonne mesure au Piémont. Personne ne pensait qu'avec quelques pauses le conflit durerait jusqu'en 1815 !
Berthier estima, devant cette évolution de la situation, que sa place était aux armées et que continuer à servir dans les bureaux serait considéré comme un signe de lâcheté. Et, comme il était officier d'état-major, il demanda à servir dans celui de Rochambeau. Celui-ci connaissait trop bien Alexandre pour faire fi d'une pareille proposition. Il lui offrit le poste de chef d'état-major que Berthier accepta avec empressement. Il se rendit donc au quartier général et put mesurer l'ampleur de la tâche qui les attendait Rochambeau et lui. Une bonne partie des cadres officiers avait émigré et ceux qui les avaient remplacés, mis en place par élection, étaient beaux parleurs mais incapables. De plus, sous l'influence des idées prônées par les agents des clubs révolutionnaires, l'indiscipline la plus complète régnait. Ce fut en vain que Rochambeau et Berthier tentèrent de mettre un peu d'ordre dans cette pétaudière. Leurs instructions n'étaient pas suivies ou alors avec une mollesse qui frisait l'insubordination. L'armée du nord fut la première à venir au contact de l'ennemi et lors des engagements qui eurent lieu à Tournai et à Quiévrain, ce qui devait arriver arriva. Vantards, ayant jusqu'alors rempli les cabarets de leurs exploits imaginaires, les soldats et volontaires s'enfuirent comme des lapins en massacrant leurs officiers aux premiers coups de feu. Si les affrontements ne tournèrent pas à la déroute complète de l'armée, ce fut en grande partie parce que les Austro-Prussiens n'imaginèrent pas un instant l'état de décomposition où était tombée l'armée française et ne surent pas exploiter leur avantage. Cependant de Paris arrivaient des ordres prescrivant de prendre immédiatement l'offensive en Belgique, car le gouvernement n'avait pas la moindre idée de la situation. Aussi Rochambeau envoya-t-il Berthier à Paris pour faire connaître à l'assemblée et surtout au roi l'état réel de l'armée. Louis XVI était parfaitement au courant. Il comptait même sur la défaite de ses troupes pour reprendre les rênes du pouvoir. Il reçut néanmoins fort cordialement Berthier et lui promit d'agir tout en étant décidé à ne rien faire.
Quant au ministre de la Guerre, malgré toute sa bonne volonté, il dut reconnaître qu'il n'avait aucun moyen de redresser la situation. Berthier était encore dans la capitale lorsqu'il apprit que Rochambeau venait de donner sa démission. Son chef d'état-major songea un instant à l'imiter mais se vit presser par des amis de demeurer en place pour maintenir un semblant de cohésion. Alexandre remit donc sa décision à plus tard. Rochambeau ayant été remplacé par Luckner qui avait soixante-dix ans, un de ses premiers actes fut de demander le maintien en place de Berthier qu'il connaissait lui aussi depuis l'Amérique. Le ministre lui annonça donc son retour à Menin. Immédiatement après, Luckner le proposa pour être promu maréchal de camp (général de brigade) et comme rien ne venait, le 1 er juin le maréchal lui rappela sa demande. Quinze jours après, Berthier était nommé avec effet rétroactif au 22 mai.
Très vite, Luckner, qui à son âge fatiguait, laissa Berthier réorganiser l'armée comme il l'entendait. Il se mit à bombarder le ministre de notes. On manquait de tout et même d'officiers d'état-major. Berthier réclamait huit adjudants généraux et quatorze adjoints alors qu'il n'en avait respectivement que deux et un, ajoutant qu'en l'état présent il était dans l'impossibilité de remplir ses fonctions ; et il attira l'attention de son interlocuteur sur le fait qu'il y avait à l'intérieur d'excellents adjudants généraux qui seraient davantage à leur place à l'armée. Dans le style emphatique en usage à l'époque, il concluait : « S'il ne s'agissait que de se faire tuer je ne vous parlerais pas ainsi, mais je vous le répète, il y va du salut de la patrie et de la perte de notre liberté. »
Le ministre promit l'envoi d'adjudants généraux,
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