Le Maréchal Berthier
place. Il demanda simplement à remplir la fonction à titre temporaire.
Pour commencer, il devait réorganiser l'armée. Par chance, les Vendéens victorieux n'avaient pas su exploiter leur succès. Berthier consulté par les représentants proposa de rassembler les forces de la république, autrement dit de fondre les deux armées des côtes de La Rochelle et des côtes de Brest en une seule pour former un tout solide. Mais les rivalités entre généraux étaient si fortes que même les représentants comprenant la sagesse de la proposition ne purent l'imposer. Prévoyant que dans ces conditions les armées de la république couraient à de nouveaux échecs et n'ayant aucune envie d'en assumer la responsabilité, Berthier donna sa démission à Ronsin. Il la refusa.
Sa position devenant de plus en plus difficile car il ne parvenait pas à concrétiser ses décisions, Alexandre accepta de rester mais comme adjoint d'un nouveau chef d'état-major dont les sentiments révolutionnaires ne prêteraient pas à discussion. Le choix des représentants se porta sur un certain colonel Bournet et l'on assista au phénomène paradoxal de voir un général sous les ordres d'un colonel. Bournet qui n'avait pas reçu la formation d'un officier d'état-major ne fut que trop heureux d'avoir un pareil adjoint.
Ce qu'avait prévu Berthier se réalisa. Les républicains continuèrent à essuyer des revers. Aussi les représentants Thureau et Bourbote décidèrent-ils d'envoyer à Paris Berthier et son camarade Dutruy pour exposer la situation au Comité de salut public. Berthier, en arrivant dans la capitale, se rendit directement chez le ministre de la Guerre, le citoyen Bouchotte. Il lui peignit un tableau sans fard de la situation, et lorsque le ministre lui demanda quel remède il préconisait, le général expliqua que la solution consistait à réunir les deux armées, puis de refouler les rebelles du nord au sud et à les acculer à la mer.
Son plan soumis au Comité de salut public fut adopté et se révéla excellent, mais en même temps, le Comité ressortant les dénonciations de l'année précédente contre Alexandre, y compris celle de Dumouriez à cette heure en fuite et passé à l'ennemi, lui interdit de retourner à son poste ! Lorsque la nouvelle en parvint au quartier général de l'armée, ce fut un beau tollé ! Berthier, de son côté, constituait un dossier pour se défendre. Les représentants Béchard et Choudieux, les généraux Santerre, Rossignol et même le colonel Bournet lui fournirent les attestations les plus élogieuses. Ce dernier écrivit : « C'est avec le plus grand déplaisir que j'ai appris que le Comité de salut public avait arrêté votre retour à l'armée. C'est une injustice qu'on a faite… »
Il fallait un certain courage pour critiquer ainsi par écrit une décision du Comité, et ceci prouve en quelle estime le colonel tenait son adjoint.
Hélas ! la logique et le bon sens n'étaient pas les vertus cardinales du Comité et le dossier présenté par Berthier obtint le résultat contraire à celui qu'il espérait. La défense de retourner à l'armée fut maintenue et il fut relevé de son poste. Dès lors, dans un moment où la moindre peccadille pouvait entraîner les plus graves conséquences, la prudence s'imposait. Comprenant qu'insister ne pourrait que lui nuire et quel que fût son désir de servir, il décida de rentrer momentanément dans l'ombre et quitta Paris. Cependant, il ne tenait pas à trop s'en éloigner et comme son père avait cherché refuge dans le Loiret et qu'il ne voulait pas attirer l'attention sur le vieillard, il se retira dans l'Oise chez son beau-frère François d'Avrange d'Hangeranville, mari de la plus jeune de ses soeurs. Celui-ci possédait un château dans le village de Précy-sur-Oise à une vingtaine de kilomètres de Senlis. Dans les premiers jours de la Révolution, comprenant qu'il devait faire un geste pour se concilier la population qui, au demeurant, ne lui était pas hostile, il avait publiquement brûlé ses titres féodaux qui ne correspondaient plus à rien. Ce geste purement démagogique lui avait permis de demeurer sur place en toute tranquillité. Aussi avait-il recueilli d'abord la soeur aînée de sa femme et son mari, puis César Berthier. Alexandre arriva le dernier. Tous étalèrent leur civisme avec ostentation, et Francqueville, époux de la soeur aînée, ainsi que César n'hésitèrent pas à entrer au conseil de
Weitere Kostenlose Bücher