Le Maréchal Berthier
Paris. Il se contenta de rendre compte.
VIII
LA PRINCIPAUTÉ DE NEUCHÂTEL
(1806-1814) Durant toute l'année 1805, l'attitude du gouvernement prussien vis-à-vis de la France avait été des plus ambiguës. D'un côté, il clamait bien haut sa neutralité, mais en même temps (novembre 1805) à la suite de longs pourparlers secrets il signait un traité d'alliance avec la Russie et l'Autriche. On connaît la réponse célèbre que fit Napoléon au ministre prussien Haugwitz quelques jours après la victoire d'Austerlitz, lorsque celui-ci vint le féliciter de sa brillante victoire : « Voici un compliment dont la fortune a changé l'adresse ! » Aussi profita-t-il de ce qu'il était en position de force pour proposer un traité d'alliance à la Prusse surtout très avantageux pour la France. L'embarras du roi fut extrême, car l'accepter, c'était se renier.
Il finit tout de même par le signer le 26 février 1806 à la grande indignation de son entourage. Le document prévoyait, entre autres, que la Prusse céderait Anspach à la Bavière et Clèves et Neuchâtel à la France, mais recevrait en compensation un autre territoire bavarois et le Hanovre dont Napoléon disposait d'autant plus facilement qu'il appartenait à l'Angleterre et espérait de cette manière brouiller la Prusse avec cette dernière.
La principauté de Neuchâtel dont la surface correspondait plus ou moins à celle du canton actuel était un territoire entouré de tous côtés par les cantons helvétiques et régi par un statut assez particulier. Après avoir vécu sous diverses souverainetés, elle avait été attribuée en 1707 par décision arbitrale au roi de Prusse qui avait alors joint à ses autres titres celui de prince de Neuchâtel. Contrairement aux autres sujets prussiens, les Neuchâtelois étaient traités par leur souverain avec beaucoup de douceur. Les gouverneurs représentant le pouvoir royal étaient priés de faire preuve de doigté et de prudence dans leur administration, car il était connu que les autres cantons suisses sauteraient sur la première occasion pour porter secours aux Neuchâtelois qu'ils considéraient, avec raison, comme faisant partie de leur ensemble. Le pays qui vivait en paix depuis de nombreuses années était prospère. L'industrie florissante était axée sur la production de toiles peintes dites « indiennes » utilisée en ameublement, sur la fabrication de dentelles noires exportées jusqu'au Mexique et sur l'horlogerie. Mais cette dernière rencontrait depuis les années 1780 des problèmes, car ses producteurs avaient eu l'imprudence de vendre une partie de leurs secrets de fabrication à des Français qui installés dans la région de Besançon leur faisaient une concurrence acharnée. Il existait également dans le val de Serrières une petite industrie métallurgique fort bien équipée, puisqu'elle comprenait des forges, des laminoirs et une forme primitive de marteau-pilon. Sa production était de très haute qualité ; toutefois, la principale activité économique était la production vinicole et le cru de Neuchâtel, vin blanc sec, très apprécié était exporté dans toute l'Europe.
Peuple heureux, vivant sous un prince débonnaire [ !], les Neuchâtelois étaient fort peu belliqueux. Une infime partie d'entre eux s'était engagée dans l'armée prussienne, tel Jules de Pourtalès qui, fait prisonnier à Iéna, entra aussitôt dans l'armée française comme aide de camp de Berthier. Ils étaient seulement au service dans une milice dont le rôle était mal défini et qui, pauvrement équipée, pas entraînée et lamentablement encadrée, aurait été bien incapable de participer à des opérations militaires pour lesquelles elle ne se sentait aucune inclination.
Très tôt, sans qu'on s'en explique la raison, Bonaparte avait été intéressé par cette principauté. Lieutenant à Auxonne en 1791, il avait pris une série de notes sur un ouvrage dont la lecture l'avait captivé. C'était le Voyage en Suisse de Coxe et il avait souligné la prospérité de l'économie de ce territoire. Plus tard, en 1805, il avait eu son attention attirée sur cet État par un Suisse, ami de la famille Bonaparte, le commandant Petitpierre, qui avait adressé à l'empereur un « Projet pour la conquête des comtés de Neuchâtel et de Valangin ».
Ce sont sans doute ces considérations qui amenèrent l'empereur à demander la cession de la principauté lors des négociations de 1805. Mais son argument
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