Le Maréchal Berthier
et de passer par la trouée de Hof pour tourner, pensait-il, la gauche de l'ennemi et marchant rapidement se porter sur Berlin. De là, se trouvant entre les Prussiens et les Russes, il aurait la possibilité de les battre séparément. En fait, ce fut ce qu'il advint mais d'une manière qu'il n'avait pas du tout prévue.
Alors que Napoléon était tout à ses combinaisons stratégiques, Berthier s'évertuait à pallier de son mieux la carence de l'intendance. Au moment où il était question de marche en avant, il demanda à Davout et à Bernadotte de faire le nécessaire (comment, il ne le précisa pas) pour rassembler 20 000 quintaux de farine afin de cuire 60 000 rations de pain par jour et dans le même ordre d'idées de faire construire par leurs unités de génie chacun huit grands fours à pain. Grâce à ces mesures énergiques, le déroulement des opérations ne devait pas être retardé.
Au moment où la lutte allait commencer, l'état-major était tout à fait prêt. Le seul changement important intervenu au dernier moment sur ordre de l'empereur avait été la nomination dans le groupe des officiers généraux rattachés au G.Q.G. et chargés de commandements temporaires ou de missions spéciales de deux généraux. C'étaient Oudinot et Grouchy sur qui l'empereur fondait de grands espoirs.
La campagne s'ouvrit le 5 octobre, donc trois jours avant la réception de la lettre du roi de Prusse déclarant officiellement la guerre. Si le rôle de Napoléon fut primordial dans la conception et la direction des opérations, celui de Berthier n'en fut pas moins essentiel, mais il est assez difficile à dégager. Les ordres en leur essence émanaient, évidemment, de Napoléon, mais leur rédaction avec la clarté et la précision nécessaires était l'oeuvre de Berthier et de son équipe. Aussi, dans plus d'un cas, si les instructions verbales de Napoléon portées par un aide de camp de l'empereur se virent modifiées, voire contredites par la confirmation écrite émanant de l'état-major général, ce fut sans hésiter ces dernières qu'appliquèrent les intéressés qui les reçurent et jamais on ne vit Napoléon se rebiffer contre de tels faits.
Par ailleurs, entre les chefs de corps d'esprit quelque peu indépendant et l'état-major général les rapports furent pendant toute la campagne excellents et jamais les maréchaux ne manquèrent de rendre compte de leurs actions, ce qui permit à Berthier de tenir Napoléon au courant de manière très ponctuelle.
Groupée en trois colonnes comprenant chacune deux corps d'armée, l'armée française entama sa progression le 6 octobre. Si le groupe du centre qui passait par la trouée de Hof eut un parcours relativement aisé, il n'en fut pas de même pour les deux autres qui durent traverser des massifs forestiers et montagneux. Néanmoins, jusqu'à la rivière Saale, de l'autre côté des montagnes, ils ne rencontrèrent aucune résistance. Devant la rapidité de l'avance des corps d'armée, Berthier décida de rapprocher l'état-major général du futur théâtre des opérations malgré l'inconvénient inhérent à un déplacement. Le 7 octobre, celui-ci gagna donc Bamberg et, comme les nouvelles concernant l'armée prussienne continuaient à être imprécises, Berthier demanda à Murat commandant de la cavalerie d'envoyer des reconnaissances dans toutes les directions en précisant qu'elles devraient avancer aussi loin qu'il le faudrait pour venir au contact de l'ennemi. Le G.Q.G. ne resta que deux jours à Bamberg. Il reprenait la vie itinérante qu'il avait connue en 1805. Le 9, il était à Ebersdorf. Le même jour, eurent lieu les premiers affrontements, et ce fut le lendemain qu'au passage de la Saale le corps d'armée de Lannes balaya l'avant-garde prussienne. Son commandant, le prince Louis de Prusse, un des dirigeants les plus virulents du parti anti-français que Berthier connaissait personnellement, y fut tué en combat singulier par un sous-officier de hussards.
Dans les jours qui suivirent, il arriva à Berthier, pour gagner du temps, de transmettre directement des ordres aux généraux de division sans passer par leurs chefs de corps, mais en prévenant ceux-ci, ce qui était contraire à tous les usages. Et aucun des maréchaux ne se permit de récriminer ou de se plaindre à l'empereur.
Le 10 octobre, Berthier était à Schleitz sur la Saale, déjà dans la plaine de Saxe. À ce moment, lui et Napoléon supposaient que le gros des forces
Weitere Kostenlose Bücher