Le Maréchal Berthier
prussiennes se trouvait sur leur gauche du côté d'Erfurt. À dire vrai, ils n'avaient aucune certitude et Murat fut prié de battre la plaine vers Leipzig où l'ennemi pouvait également se trouver. Malgré tous ses efforts, le service de renseignements n'arrivait pas à localiser les armées prussiennes. Puis, le 13, Lannes qui venait de s'installer sur le plateau du Landgrafenberg dominant Iéna, signala la présence d'importantes unités prussiennes devant lui, et Napoléon crut que c'était là le gros de l'armée. Le service de renseignements qui, dans la circonstance, ne fut pas à la hauteur de sa réputation, fut incapable de confirmer ou d'infirmer le fait. Aussi ce ne fut pas aux soixante mille hommes du duc de Brunswick mais aux quarante mille du prince de Hohenlohe qu'il livra bataille, le lendemain 14 octobre. Le même 13 octobre, Berthier, trompé lui aussi, écrivit à son ami Davout que Lannes avait devant lui 50 000 hommes et lui demanda, puisqu'il était assez en avant, de manoeuvrer pour les déborder par sa gauche. En réalité, c'était Davout qui, sans en être prévenu, avait devant lui l'armée du duc de Brunswick, forte de 60 000 hommes, alors que lui-même n'en disposait que de 25 000. Mais se conformant à la note de Berthier du 13, se jugeant suffisamment informé, il avait marché à l'est et s'était heurté de front au gros de l'adversaire. Pis, au début de la bataille d'Auerstedt, il n'avait sous la main qu'une seule division, les autres n'entrant en ligne que plus tard dans la matinée. Ce fut d'ailleurs en vain qu'il envoya des aides de camp demander de l'aide à Bernadotte. Celui-ci, qui avait reçu l'ordre d'occuper la ville de Dornburg à mi-chemin entre le gros de l'armée et le corps de Davout, servait en quelque sorte de trait d'union. Napoléon qui avait la critique facile lui reprocha de ne pas avoir marché au canon, ce à quoi le maréchal répliqua qu'il avait entendu des bruits de bataille sur sa droite et sur sa gauche et que, ne recevant aucun ordre, il avait jugé plus sage de demeurer sur place. Il ajouta qu'à la fin du compte, il avait dépêché une division pour renforcer Davout, mais que le mauvais état des chemins avait considérablement ralenti sa marche. C'était tout de même un miracle que Davout ne se soit pas fait écraser !
Dans cette erreur d'estimation qui précéda la double bataille, la faiblesse de l'état-major fut patente. La rumeur en fit porter la responsabilité à Berthier qui n'y était pour rien. En fait, la couverture des forces prussiennes avait été fort bien assurée et il avait été impossible de la percer. Pendant la bataille d'Iéna, Berthier, qui demeura en permanence aux côtés de Napoléon, ne joua aucun rôle. En revanche, les jours suivants, alors que Napoléon lançait la poursuite contre les débris de l'armée prussienne, ce qui nécessita la rédaction et l'expédition d'un grand nombre d'ordres alors que, par voie de conséquence, le G.Q.G. était sans cesse en mouvement, Berthier se retrouva avec un nouveau problème sur les bras.
Le 14 octobre, à l'issue de leurs victoires, Napoléon et Davout s'étaient retrouvés avec plus de trente mille prisonniers et il n'était que trop certain que leur nombre augmenterait dans les jours suivants. Ils encombraient l'armée. Il fallait les encadrer, les escorter et les diriger sur un point d'où on pourrait les acheminer dans des camps, peut-être jusqu'en France. Würzburg fut choisie comme lieu de rassemblement encore que rien n'ait été préparé pour les loger, les nourrir et les garder. C'était une des tâches incombant au troisième bureau de l'état-major qui réussit à s'en acquitter.
Entre le 18 et le 26 octobre, Napoléon et le G.Q.G. s'écartèrent de plus en plus du théâtre d'opérations, voyageant toujours mais à petites journées, ce qui eut pour conséquence d'allonger la durée de transmission des ordres et des comptes rendus pour des corps d'armée qui s'éloignaient chaque jour davantage. L'empereur faisait preuve à juste titre d'un optimisme débordant, mais Berthier voyait s'accumuler les causes de soucis. Si brève qu'ait été la campagne qui pouvait être considérée comme virtuellement terminée, le matériel et les hommes avaient beaucoup souffert. Le troisième corps, celui de Davout, avait perdu le tiers de ses effectifs. Le major général pensait, et il n'était pas le seul, que la prise de Berlin mettrait un terme aux opérations pour
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