Le Maréchal Berthier
main. Mais Maximilien s'était montré négligent et les soldats de Masséna chargés de l'opération trouvèrent suffisamment de bacs, péniches, chaloupes et autres barques pour bréler un pont. Par contre, si le génie mit la main sur des madriers également nécessaires, ce ne fut pas en nombre suffisant et il fut impossible de construire des estacades de protection en amont de l'ouvrage. Mais surtout, malgré les recherches, on ne trouva pas de grosses ancres pour fixer au fond du lit du fleuve les câbles d'amarrage. Sur une suggestion de Napoléon mise en forme par Berthier, on les remplaça par des caisses en bois pleines de pierres et de boulets. Mais ce n'était là qu'un expédient et l'expérience montrerait la fragilité du procédé, car au lieu de « crocher » dans le fond du lit elles avaient tendance à déraper sous l'action du courant.
Commencée le 18 mai, la construction du pont de bateaux dura jusqu'au 21. Pourtant, le colonel Bacler d'Albe, chef du cabinet topographique de l'empereur et le général Sanson, chef du bureau cartographique de l'état-major général, s'étaient tous deux prononcés contre le lancement des ponts (il devait y en avoir un sur le bras principal du Danube entre la rive droite et l'île Lobau et un second entre l'île et la rive gauche) en raison de la fonte des neiges et des crues soudaines et fréquentes du Danube en cette saison. Mais Napoléon passa outre.
L'absence de réaction des Autrichiens étonna le commandement français. Le 21 au matin, en dépit d'une rupture du pont principal, une solide tête de pont était déployée sur la rive gauche. Berthier qui avait en compagnie de l'empereur passé le fleuve avec les premiers éléments, prit alors sur lui de monter dans le clocher du village d'Essling et là découvrit des forces ennemies considérables qu'il estima, avec son coup d'oeil habituel à environ quatre-vingt dix mille hommes qui s'avançaient en direction de la tête de pont. À ce moment, les forces françaises n'excédaient pas vingt mille soldats et, un instant, Napoléon décida de battre en retraite puis, changeant brusquement ses plans, décida de s'accrocher. Pendant cette bataille acharnée qui dura deux jours, le rôle de Berthier, demeuré aux côtés de Napoléon, se borna à envoyer des estafettes à Davout, qui était encore sur la rive droite du Danube avec son corps d'armée, en amont de Vienne, pour le prier de se hâter de parvenir sur le terrain. Mais la rupture des ponts, à plusieurs reprises, provoquée autant par la montée des eaux que par les péniches et moulins chargés de pierres ou enflammés que les Autrichiens lançaient dans le courant, empêcha Davout de traverser le fleuve ; et l'armée française, à court de munitions, fut contrainte de se retirer dans l'île Lobau. La victoire des Autrichiens était loin d'être totale. Avec les forces très supérieures qu'ils avaient mises en ligne, ils auraient pu écraser celles de Napoléon. Mais celui-ci, même s'il avait du mal à le reconnaître, avait subi un revers. Les pertes étaient lourdes. Un maréchal, Lannes et plusieurs généraux, dont Espagne, avaient été tués.
L'empereur estima avec raison ne pouvoir rester sur cet échec même s'il était dû aux éléments. Ce fut donc à Berthier et à l'état-major de travailler d'arrache-pied pour préparer une nouvelle traversée du Danube qui permettrait de prendre pied dans la plaine de Wagram.
Tout d'abord, il fut admis que celle-ci ne se produirait pas avant juillet, période d'étiage où une crue du fleuve serait peu à craindre. Au lendemain d'Essling, l'armée d'Italie, qui avait battu et rejeté l'archiduc Jean vers la Hongrie, faisait sa jonction avec celle d'Allemagne et presque immédiatement un officier de son état-major prévint les services de Berthier que, par hasard, on venait de découvrir dans un magasin autrichien des ancres propres à fixer les ponts de bateaux. Berthier ordonna qu'on les amenât sur-le-champ.
À ce moment, il fut chargé d'une négociation très délicate. Le général autrichien Chasteler qui se battait à la tête des insurgés tyroliens se livrait à des atrocités sur ses prisonniers et Napoléon avait ordonné, s'il était pris, de le passer immédiatement et sans jugement par les armes. L'ayant appris, l'empereur François d'Autriche prescrivit, le cas échéant, de faire subir le même sort à deux généraux français prisonniers. Aussitôt prévenu, Napoléon fit
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