Le Maréchal Berthier
D'ailleurs, pour que celui-ci demandât un arrêt des hostilités, il fallait qu'il sentît à quel point il était au bord de l'écrasement. Encore un léger effort, plaida Berthier qui quelques jours plus tôt parlait de ménager l'armée, et la victoire serait comparable à celle de 1805.
Mais Napoléon ne voulut pas les écouter. Il se montra imperméable à leurs arguments, expliqua qu'il n'avait plus de réserves et que l'immobilité de ses alliés russes le troublait beaucoup. En réalité, depuis le début de la guerre il avait comme un sentiment d'amertume et de frustration. Rien n'avait marché comme il l'aurait désiré. Devant Ratisbonne, il n'avait pas réussi à réaliser le même encerclement qu'à Ulm. Puis il y avait eu la semi-défaite d'Essling et même la victoire de Wagram n'avait été emportée qu'au prix d'un effort énorme sans avoir pu réaliser la destruction de l'armée ennemie. C'est pourquoi il autorisa Marmont à faire savoir au prince de Schwarzenberg, major général de l'armée autrichienne, qu'il était disposé à arrêter les hostilités.
Il est intéressant de noter que dans son remarquable ouvrage sur Berthier le général Derrecagaix, d'ordinaire très bien informé, affirme que le major général apporta son soutien à Napoléon lorsque celui-ci exprima son désir d'accorder un armistice alors que les témoins de la scène, dans leurs mémoires, assurent du contraire. Quoi qu'il en soit, lorsque le prince de Liechtenstein franchit les lignes en parlementaire, Napoléon le reçut assez aimablement. Lui et Berthier se connaissaient depuis plusieurs années, ce qui facilita les premiers pourparlers, et il fut convenu que le soir même deux officiers généraux, un de chaque camp, se réuniraient pour discuter des conditions de la suspension d'armes. C'était le prélude, chacun l'avait compris, à l'arrêt définitif des hostilités. Du côté autrichien, ce fut le général de Wimpfen et, chez les Français, Berthier qui représentèrent leurs souverains. La séance se tint entre les lignes dans la métairie de Zuckerhandel que les récents combats avaient laissée intacte. Berthier se montra exigeant et même assez dur sous des dehors de politesse, si bien que lorsque le texte fut soumis à Napoléon, il ne trouva à ajouter que deux points. Il voulait occuper Presbourg et le fort de Sachsenburg. Pour le reste, jusqu'à nouvel ordre, l'armée française ne reculerait pas d'un pouce. Wimpfen s'inclina. Le document fut signé à minuit et daté curieusement du 12 juillet. L'armistice devait durer un mois, était renouvelable et ne pourrait être dénoncé, avec reprise des hostilités, que sous un préavis de quinze jours.
Mais les Autrichiens voulaient davantage de garanties. Quels étaient les desseins de Napoléon ? Renvoyé auprès de lui, le prince de Liechtenstein, qui voulait savoir si Napoléon désirait vraiment faire la paix, y fut cette fois mal accueilli. L'empereur lui fit une scène violente et Berthier qui y assista demeura muet de surprise. Le prince s'entendit dire que l'Autriche allait être écartelée en plusieurs États et la dynastie des Habsbourg chassée du trône. Peut-être cette comédie n'avait-elle pour but que d'annoncer des conditions qui pour être plus douces n'en étaient pas moins sévères.
Le 18 juillet, Napoléon accompagné de Berthier était de retour à Schönbrunn.. Le major général avait laissé sur place son ami Mathieu Dumas pour superviser l'exécution de la convention d'armistice. Lui-même se mit à travailler sur les mesures à prendre lors de la réouverture éventuelle des hostilités. Napoléon ne croyait qu'à demi à la bonne foi de l'Autriche et Berthier partageait les mêmes craintes que lui. Elles étaient d'autant plus fondées que par son excellent service de renseignements il était tenu au courant de conversations « secrètes » entre Autrichiens, Prussiens et Russes. Très inquiet, le gouvernement de Berlin estimait que si l'Autriche était dépecée, le tour de la Prusse suivrait automatiquement ; et il faisait pression sur le tsar pour essayer de le détacher de l'alliance française et de l'inciter à former une nouvelle coalition à trois. Mais, plus réaliste, Alexandre i er , impressionné par les récents succès français, se dérobait derrière un flot de paroles aimables, ne s'estimant nullement prêt à affronter son allié. Dans cette atmosphère diplomatique assez trouble, Berthier travaillait donc
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