Le Maréchal Berthier
arrêter le prince Colloredo qui résidait à Vienne et l'ambassadeur Metternich pour les faire momentanément incarcérer en France. Jusqu'où monteraient les enchères ? Berthier prit donc contact, par l'intermédiaire d'un parlementaire, avec son homologue, le major général autrichien prince de Schwarzenberg, pour réaliser un échange de prisonniers. Dans ses propos et dans ses actes, il fit preuve à la fois de tact et de fermeté. Si le gouvernement autrichien entendait intensifier la lutte, il n'était pas sanguinaire. Un terrain d'entente finit par se trouver où les échanges s'effectuèrent homme par homme et grade par grade pour la satisfaction des deux parties.
Pendant le mois de juin, Napoléon entreprit de concentrer dans l'île Lobau, qui s'appelait maintenant l'île Napoléon, le plus de troupes possible pour leur permettre de traverser rapidement le petit bras du Danube. Amener, faire bivouaquer, ravitailler, assurer le service d'hygiène pour autant d'hommes et de chevaux dans un espace aussi restreint, posaient des problèmes qui étaient de véritables casse-tête pour l'état-major. Napoléon se désintéressait de ces détails et laissait à Berthier le soin de les régler. Ceux-ci étaient d'autant plus délicats que pour que les Autrichiens ne devinent pas les intentions des Français cette concentration devait s'opérer avec un maximum de célérité et de discrétion.
Commencée le 1 er juillet, elle devait être achevée le 5. Sur l'île Napoléon, avaient été littéralement entassés cinq corps d'armée sans compter les nombreuses batteries totalisant plus de cent cinquante pièces lourdes chargées de « couvrir » la traversée. De plus, on y avait établi des forges, des corderies et des chantiers de radoub.
Un orage éclata le 4 au soir et Berthier en voyant les trombes d'eau s'abattre sur les soldats suggéra de reporter l'opération de vingt-quatre heures. Napoléon refusa, arguant que ce serait donner à l'archiduc Jean le temps d'accourir au secours de son frère. En fait, l'orage servit le dessein des Français, car il masqua leurs mouvements. Les ponts furent lancés sans difficulté et, le 5 au matin, toute l'armée française qui avait traversé le petit bras était déployée dans la plaine de Wagram. L'archiduc Charles devait plus tard, au cours d'une conversation avec Berthier, reconnaître qu'il avait été surpris et surtout qu'il avait escompté que les Français mettraient bien davantage de temps à franchir le fleuve.
Le 5, dans la journée, les deux armées vinrent au contact, Napoléon améliorant ses positions. Le 6, eut lieu la véritable bataille. Elle fut particulièrement meurtrière car les champs de blé, où allaient tomber les blessés, n'avaient pas été moissonnés. Or les tirs de l'artillerie allumèrent de nombreux incendies et les malheureux demeurés à terre furent brûlés vifs sans pouvoir être secourus. Le rôle de Berthier, comme c'était presque toujours le cas, se borna à être spectateur, mais il donna à son entourage et à quelques-uns de ceux qui le dénigraient systématiquement un bel exemple de courage. Le colonel Lejeune raconta qu'il resta près de deux heures sous le feu avec ses officiers et que, par un véritable coup de chance, ils n'eurent que quelques chevaux tués, dont celui du maréchal.
Les jours suivants, la poursuite s'organisa mais elle ne fut pas aussi ardente qu'en 1805, car l'armée était épuisée. Et Berthier le fit à plusieurs reprises remarquer à Napoléon. Le 16 juillet, Masséna d'un côté, Marmont d'un autre, atteignaient la plaine de Znaïm, talonnant l'armée autrichienne. Ce soir-là, un émigré français au service de l'Autriche, le général de Fresnel, se présenta aux avant-postes du duc de Raguse pour solliciter un armistice. Marmont répondit qu'il devait d'abord en référer à l'empereur et prévint aussitôt le quartier général. Ce ne fut que le lendemain que Napoléon envoya Savary à Marmont, l'autorisant à accorder une suspension d'armes. Aussitôt informé, l'entourage direct de Napoléon, c'est-à-dire Duroc, Maret et surtout Berthier, s'éleva vivement contre l'idée d'arrêter les hostilités et ils tinrent une sorte de conseil de guerre assez houleux. Ils représentèrent à l'empereur que, si l'armée française était fatiguée (et incontestablement elle l'était), celle de l'archiduc Charles, encore plus épuisée et de plus vaincue, était au bord de la déroute.
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