Le Maréchal Jourdan
rôle important dans ce sacre long et épuisant : Jourdan faisait
partie des grands officiers portant les attributs royaux dans la cathédrale de Reims, lui-même
étant chargé de la couronne. Convoqués à six heures du matin, ils allaient demeurer debout sans
prendre de repos jusqu’à midi malgré leur grand âge. Les trois autres étaient
Moncey, faisant fonction de connétable et portant l’épée, Soult, le sceptre et
Mortier, la main de justice. Ils côtoyaient des grands noms de l’armorial français
tels le duc de La Vauguyon, le duc de La Rochefoucauld ou le duc de Luxembourg, porteurs des
« offrandes », et cela parut tout naturel.
Le lendemain, le roi ttit un chapitre de l’ordre du Satit-Esprit au cours duquel y
furent reçus Mortier, Soult et Jourdan. Dans le banquet de quatre cent cinquante couverts que
la ville de Paris offrit au roi la semaine suivante, Jourdan eut encore
droit à une des places d’honneur.
Depuis l’accession au trône de Charles X, Jourdan, en tant que pair,
s’était montré étrangement apathique. Ses adversaires comme ses amis
s’étaient attendus à le voir prendre la parole avec sa fougue habituelle lorsque
avaient été soumises au parlement, en mars et avril 1825, les deux lois sur le
milliard d’indemnités accordé aux émigrés et sur la répression en cas de sacrilège.
L’opinion de Jourdan en la matière était connue et on savait qu’il
conservait un vieux fonds d’anticléricalisme. Or il était resté neutre et se
contentait de voter sans commentaires. Peut-être estimait-il que l’insuccès de ses
précédentes titerventions justifiait son silence ; peut-être également ne voulait-il
pas soulever des motifs de querelles avec le nouveau souverain. En tous les cas, Charles X
avait apprécié cette attitude, d’où le choix pour la cérémonie de Reims.
Il ne faut pas déduire de ce comportement que Jourdan avait évolué au potit de devenir
ultraroyaliste. Ses opinions ne furent en rien modifiées ; mais il se ttit dans une
réserve dictée par le fait qu’il savait que toute forme de protestation contre la
politique du gouvernement serait sans effets. Deux ans plus tard, il prit la parole pour la
dernière fois dans le débat sur la loi concernant la composition du jury d’assises.
Certains pairs voulaient en exclure par principe les officiers, et défendant le potit de vue du
gouvernement, le maréchal se déclara favorable à ce qu’ils continuent à en faire
partie ; puis, dans le but de concilier les différents potits de vue, il fit une
curieuse proposition : pourraient être jurés les officiers payant une contribution
de trois cents francs. Il suggéra que pour ces militaires, la somme plancher fut portée à deux
mille francs. Le plus extraordinaire est que l’assemblée se rallia à cette
résolution qui dans son esprit était contraire à toute forme de libéralisme.
Jourdan voyait la monarchie évoluer vers ce qui ressemblait de plus en plus à de
l’absolutisme mais se murait dans le silence. Toutefois, ce fut à ce moment
qu’il se rapprocha du duc d’Orléans qui faisait de
l’opposition feutrée à son cousin le roi, sans chercher pour autant à attaquer le
principe monarchique.
Que pensa le maréchal lorsque le roi appela au ministère son ami Polignac, partisan de
l’absolutisme le plus rigoureux ? Il se garda bien d’exprimer
publiquement son opinion mais fut de ceux qui commencèrent à craindre pour l’avenir
de cette dynastie à laquelle il était à présent attaché.
La révolution de 1830 ne le surprit pas, car il avait considéré la
publication des fameuses Ordonnances comme une faute grave et ne le cacha pas à son entourage
immédiat. Il s’en montra inquiet. Il avait été, surtout depuis
l’avènement de Charles X, trop choyé par les Bourbons pour ne pas
s’y sentir sérieusement attaché. Comme tous les maréchaux d’Empire
survivants, il comptait parmi les profiteurs du régime. Et, à ce moment, cet ancien républicain
n’aurait pour rien au monde voulu voir une république renaître. À ses yeux, le terme
« république » était devenu synonyme d’anarchie et les désordres,
pillages et exactions qui avaient accompagné les trois journées de la révolution
n’étaient pas faits pour modifier son opinion. Il ne voulait ni d’un
régime démocratique, ni du suffrage universel.
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