Le Maréchal Jourdan
Étonnant revirement !
Sans doute éprouva-t-il quelques regrets en apprenant l’abdication de Charles X et
de son fils, mais il se fit rapidement une raison, d’autant que les autorités qui
allaient lui succéder étaient véritablement, au moins à leur début, une monarchie
selon son coeur.
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Même auteur, même éditeur : Le Maréchal Masséna .
XIII
LA CONSÉCRATION
(1830-1833)
Homme résolu mais prudent et, surtout, partisan de l’ordre, le duc
d’Orléans n’entendait pas prendre le pouvoir en y étant porté par la
populace. Aussi demeura-t-il dans l’expectative pendant les journées
révolutionnaires, quoique le banquier Laffitte ait proposé au parlement de faire appel à lui
dès le 28 juillet 1830. Ce ne fut que le 31 juillet, et encore parce
que la fonction lui était offerte par la Chambre des députés, qu’il accepta le titre
peu compromettant de lieutenant général du royaume, mais à la condition que cette nomination
soit ratifiée par le roi. Le lendemain, Charles X, pensant ainsi sauver son trône,
confirma le choix et le duc se dépêcha alors de mettre en place un gouvernement dans le but de
souligner le caractère légal de ce mandat. Mais, afin de donner tout son sens à ce caractère
« provisoire », les ministres désignés reçurent le titre de
« commissaires » et non de « ministres ».
Le duc les recruta à la fois en fonction de leur position sociale et de leurs compétences. Le
général (bientôt maréchal) Gérard alla à la Guerre, Bignon aux Finances et Jourdan se vit
offrir les Affaires étrangères. Ce choix était habile. Jourdan avait une personnalité
indiscutable. Par ailleurs, il avait rempli avec succès plusieurs missions à caractère
diplomatique. Certes, ce poste ne serait pas de tout repos. Il allait falloir rassurer et
composer avec les autres puissances européennes qui regardaient, non sans quelque inquiétude,
cette monarchie enfantée par une révolution. Avec la Grande-Bretagne, les négociations seraient
sans doute faciles, car il se découvrirait beaucoup de similitudes entre les deux régimes.
Mais, avec l’Autriche, la Prusse et la Russie, le dialogue risquait
d’être moins aisé, surtout avec la réapparition en France du drapeau tricolore, tout
un symbole que ces trois puissances contemplaient avec horreur et cratite.
Jourdan accepta sans hésiter, d’autant que ses rapports avec le duc
d’Orléans étaient excellents. Leur conception de la monarchie parlementaire était
assez proche. On peut même parler de liens d’amitié entre les deux hommes faits pour
se comprendre. Il était aux côtés du duc lorsque celui-ci se rendit le 9 août à la
Chambre des députés pour y recevoir des mains de quatre maréchaux, Mortier, Macdonald, Oudinot
et Molitor, les insignes de la royauté. Ce fut une cérémonie étrange. Personne ne voulait lui
conférer le caractère mystique que revêtait le sacre dans la cathédrale de Reims. Ses
promoteurs désiraient davantage qu’elle semblât donner un rôle prépondérant au
peuple, ce qui n’enthousiasmait pas le duc. En définitive, le côté
« juste milieu » qu’elle revêtait, mais qui n’était
pas sans avoir quelque chose d’étriqué, offre une assez bonne image de ce que serait
l’éthique du règne de Louis-Philippe qui prit, ce jour-là, le
titre de roi des Français (toujours la notion de compromis) !
Dès le lendemain, un véritable ministère fut constitué et Jourdan, dont tout le monde
politique pensait qu’il conserverait les Affaires étrangères, posa un problème
d’autant plus épineux au roi que celui-ci ne voulait pas avoir l’air de
le froisser en l’écartant de cette fonction. Seulement, tous deux
s’étaient rendu compte dans les jours précédents que l’âge (soixante-huit
ans) et surtout l’état de santé du maréchal lui titerdisaient de remplir de manière
efficace un poste aussi lourd. En un sens, Jourdan acceptait la décision royale avec
philosophie, mais Louis-Philippe, qui ne voulait pas, d’entrée de jeu, avoir
l’air de mettre sur la touche un serviteur de sa valeur, ne savait comment résoudre
ce problème. Le hasard vtit à son secours et lui amena la plus élégante des solutions.
Le dix-huitième gouverneur des Invalides, le général marquis de Latour Maubourg, était en
poste depuis 1821. Quoique rien ni personne ne l’y
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